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ANALYSES.paulhan. L’activité mentale, etc.

Fr. Paulhan. L’activité mentale et les éléments de l’esprit. In-8o, 585 p. Paris, F. Alcan.

Chaque phénomène psychique est un tout composé d’éléments eux-mêmes plus ou moins complexes. Depuis la sensation sonore, synthèse de vibrations, jusqu’à l’idée générale, au raisonnement dont la complexité est évidente, on peut constater que chaque état est une synthèse d’éléments plus simples, susceptible à son tour d’entrer comme éléments dans des synthèses supérieures. M. Paulhan s’est proposé d’étudier les propriétés de ces éléments, les lois auxquelles ils obéissent et le rôle qu’ils jouent dans l’activité de l’esprit. C’est donc toute une psychologie et peut-être aussi toute une philosophie que contient ce volume. La plupart des idées qui y sont exposées sont déjà connues par les articles, publiés dans différents recueils. Il nous a paru, pour cette raison même, qu’il ne serait pas sans intérêt d’en montrer l’enchaînement par une analyse d’ensemble.

L’activité des éléments psychiques peut se résumer dans cette formule chercher son intérêt, éviter ce qui y est contraire. Chaque élément, et ce terme est ici synonyme de système, agit pour soi, veut être et être l’esprit tout entier ; de là des luttes incessantes, qui aboutissent au dédoublement de la personnalité lorsque deux systèmes prépondérants sont inconciliables. Cette indépendance des éléments de l’esprit est incontestable et se manifeste à tous les degrés de l’organisation mentale. On voit souvent, par exemple, un mot employé comme élément dans un système plus complexe, la phrase, se séparer de ce complexus et s’associer à d’autres systèmes d’idées : c’est ainsi que s’expliquent tous les jeux de mots. Dans le rêve, dans le somnambulisme, les associations supérieures étant relâchées, une impression suggérée agit sans entraves pour son compte. L’incohérence des actes et des paroles que l’on peut observer chez les hystériques vient de ce que chaque système suscité agit seul, devenu indépendant de l’organisation préétablie de l’esprit. La folie laisse souvent subsister un ou plusieurs systèmes qui, au milieu du désordre général, peuvent aboutir à leurs fins. À l’état normal, il arrive qu’une série d’actes ou d’idées vient interrompre la série commencée qui reprend lorsque la première disparaît. C’est souvent pendant des années que des tendances persistent à l’état latent jusqu’à ce que se présentent des conditions favorables à leur retour ; il en est parfois ainsi des pratiques religieuses, des langues oubliées. Enfin l’activité relativement indépendante des systèmes se révèle aussi dans le cas où un ensemble de mouvements ou d’idées se transmet héréditairement.

Chaque élément psychique peut donc, dans une certaine mesure, naître et fonctionner indépendamment des autres systèmes qui composent l’esprit. Il résulte de là qu’il y a, en un sens, des facultés spéciales : si, chez un homme, certains systèmes sont plus facilement excités que les autres, il aura une sensibilité spéciale ou une mémoire spéciale, celle des calculs par exemple. De même chaque individu est