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ANALYSES.a. liébeault. Le sommeil provoqué.

sance directe, il est vrai, et qui ont pour but la formation, l’entretien et la conservation de l’être ; l’organisme est l’expression d’idées formulées au cerveau. »

Enfin, dans deux paragraphes, M. Liébeault étudie les phénomènes du réveil et l’oubli au réveil, caractéristique du sommeil profond.

Dans un chapitre qui termine la première partie de son livre, l’auteur esquisse à grands traits ses idées sur le sommeil et essaye d’en établir la synthèse philosophique. Avant d’en donner un résumé succinct, je rappellerai les points essentiels de la doctrine psychologique de l’auteur.

La sensibilité, qui a son point de départ dans les sens et son siège dans le cerveau ; puis la mémoire qui conserve dans le même organe les empreintes ou idées, fruits des sensations, sont deux facultés primitives et parfaitement distinctes entre elles. Il est, en outre, une troisième faculté plus générale qui est la base conditionnelle de celles-ci et forme avec elles le trépied des éléments de la pensée ; c’est l’attention. Sans cette dernière force éminemment active et créatrice ni sensation, ni empreinte idéale, ni souvenir possible. Elle est la plus essentielle des trois. C’est elle qui permet aux sensations d’avoir lieu ; c’est elle qui les imprime dans la mémoire et c’est elle enfin qui fait surgir les souvenirs conservés dans cette dernière, qu’ils y aient été déposés consciemment ou non.

Mais ce n’est pas seulement là le rôle de l’attention, elle associe encore dans la mémoire les idées-images ou les idées pures que par un effort elle a extraites de ces premières ; elle les dissocie, les compare et, s’élevant plus haut, elle déduit à l’aide de ces idées, elle abstrait, généralise, raisonne, juge en un mot. Ainsi l’intelligence n’est pour nous qu’une faculté quatrième, venant après les précédentes qui en sont chacune des conditions, et elle est due à la réaction de l’attention sur des idées simples ou complexes déposées dans la mémoire.

Pendant la veille, l’homme jouit de l’aptitude de porter volontairement son attention à connaître les objets extérieurs à l’aide des sens ; il jouit de la faculté de déposer les perceptions reçues dans le foyer de la mémoire sous forme d’idées-images ; il a encore celle de susciter ces idées, de les opposer les unes aux autres, d’en créer de plus abstraites ; enfin, avec ces matériaux de pure représentation mentale, il peut faire acte de jugement, d’intelligence, et apporter au secours de sa raison, et les sens d’où viennent déjà ses connaissances, et ses organes de locomotion dont il a besoin pour arriver à son but. Mais, peu à peu, la fatigue arrive et il vient un moment où il sent le besoin d’arrêter le mouvement de sa pensée et, conséquemment, le fonctionnement de ses sens et de ses muscles. Il se met en état passif ; il dort.

Pour ce faire, il replie son attention au cerveau sur une idée fixe, celle de réparer ses forces épuisées et de reposer l’organisme ; c’est mathématiquement parlant la manifestation de la pensée consciente en repos et devenant parfois insciente faute de se mouvoir.