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ANALYSES.a. liébeault. Le sommeil provoqué.

nourriture l’est des efforts intellectuels de l’esprit pour se la procurer. L’acte de l’entrée en sommeil est donc, dans le sommeil ordinaire comme dans le sommeil provoqué, un acte véritablement psychique. Dans les deux cas, c’est la fixation de l’attention sur une idée, celle du repos ; le sommeil artificiel est dû à une suggestion provoquée, le sommeil ordinaire à une véritable auto-suggestion ; seulement dans ce dernier cas, « l’habitude prolongée a fini par faire perdre la conscience de la cause psychique pourquoi l’on s’endort, de même que l’on perd la conscience du mécanisme des actes par imitation ».

Il y a cependant un signe qui paraît différencier ces deux états, la catalepsie suggestive.

En effet, tandis que dans l’auto-suggestion du sommeil ordinaire, le dormeur s’isole de tout ce qui se passe autour de lui, dans le sommeil artificiel, le dormeur recevant la suggestion de celui qui l’endort ne cesse pas d’être en rapport avec lui par les sens et en reçoit facilement toutes les impulsions suggestives, soit par le geste, soit par la parole, comme un véritable automate. Comme il est incapable par devers lui de passer d’une idée à une autre, à cause de l’impossibilité où il est de faire un effort de volonté, son esprit s’en tient à l’idée que son endormeur lui suggère finalement et du moment que c’est celle d’avoir les bras dans l’extension, il les laisse étendus. Comme il est d’ailleurs trop isolé des personnes étrangères, si elles essayent de modifier la situation du membre, elles n’y parviennent pas, parce qu’il n’en subit pas la suggestion.

Il étudie ensuite la série des changements physiologiques de l’entrée en sommeil et la façon dont disparaissent successivement les diverses modalités sensitives. En accord avec la plupart des physiologistes, il admet que le tact est le sens dont les fonctions s’éteignent les dernières dans la production du sommeil.

Ici se place une suppression dont je dirai quelques mots, car elle a son importance. Dans sa première édition, parmi les phénomènes observés sur les sujets que l’on fait entrer dans le sommeil artificiel, l’auteur mentionnait un certain nombre de signes, respiration longue et bruyante, battements du cœur énergiques, cyanose, larmes, etc., qui étaient dus évidemment au procédé alors employé par lui (fixation d’un objet). Tout ce passage a été supprimé dans l’édition actuelle. C’est qu’en effet, avec les procédés que M. Liébeault emploie aujourd’hui, ces accidents, comme j’ai pu le constater moi-même, n’arrivent pour ainsi dire jamais.

M. Liébeault divise le sommeil en sommeil léger et sommeil profond.

Dans le sommeil léger, le caractère principal c’est que le sujet se rappelle toujours avoir rêvé. Ces rêves peuvent se présenter sous deux formes. Les uns, les plus communs, sont vagues, incohérents, étranges, déraisonnables. Les autres, plus rares, se caractérisent par la suite des idées, la justesse des déductions, la netteté de la pensée ; c’est ainsi qu’on continue pendant le sommeil le travail intellectuel