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A. NAVILLE. — les sciences physiques

vient, c’est souvent pour dissiper des illusions de ressemblances en découvrant des diversités qui avaient échappé à une observation superficielle. « Il s’agit, dit avec raison Sigwart, de savoir si ce qui nous paraît semblable l’est réellement. » Et cependant, attribuer à cette croyance une origine purement expérimentale, ce serait soulever les objections les plus graves. N’admettons-nous pas la communauté de nature même pour des objets qui ne sont jamais tombés sous les prises de l’expérience ? Il subsiste donc, au sujet du second principe de l’induction, beaucoup de questions auxquelles je n’essaye pas de répondre pour le moment.

Cette brève et très imparfaite étude atteindra son but si elle contribue à rendre plus claire une distinction fondamentale. L’opération intellectuelle qu’on appelle induction repose sur deux principes au moins. Le premier c’est que le même ensemble de causes produit nécessairement le même ensemble d’effets, ou que, si le même ensemble de causes se répétait, il produirait nécessairement le même ensemble d’effets. Ce principe est d’une vérité évidente, c’est un axiome. Mais il est conditionnel, c’est-à-dire qu’il n’affirme l’identité des effets que dans la supposition que les causes soient identiques. Si donc la répétition de causes identiques était impossible, ce premier principe n’aurait, malgré son évidence, aucune application, aucune utilité. Le second principe c’est la possibilité de l’identité partielle de plusieurs ensembles de causes. Nous n’avons guère pius de doutes à son sujet qu’au sujet du premier principe, mais son énoncé même fait apparaître la difficulté de l’opération inductive. Les identités étant toujours partielles, c’est-à-dire associées à des différences, il faut que les théorèmes délimitent avec une parfaite précision l’objet auquel ils s’appliquent. Leur première partie doit exprimer, d’une manière assez claire pour écarter toute confusion, les caractères qui constituent le premier terme et desquels le second terme dépend nécessairement. Que l’on attribue au premier terme un trop grand ou un trop petit nombre de caractères, que la cause vraie soit encore connue obscurément, le théorème est insuffisant et son emploi peut donner lieu à des erreurs. Les théorèmes inductifs ne pourront être parfaits que quand l’observation expérimentale elle-même sera parfaite ; en attendant, leur valeur est seulement provisoire.

Adrien Naville.