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aucune loi. Le temps n’est pas une puissance ; à parler scientifiquement, il n’est pas une cause.

2o Il faut croire que la situation dans l’espace n’a aucune influence sur la nature des phénomènes, en sorte que ce qui est vrai d’eux ici l’est aussi ailleurs. Si un changement de situation, par lui-même et indépendamment de toute autre circonstance, modifiait le pouvoir de réfraction de l’eau, les rapports que je constate dans l’eau que contient le bassin de fontaine de mon jardin ne m’apprendraient rien au sujet des rapports qui pourront s’y produire dans la région de l’espace où, tout à l’heure, cette eau aura été transportée avec moi par le mouvement de la terre. L’espace n’est pas une puissance ; à parler scientifiquement, il n’est pas une cause.

3o Il faut croire qu’outre les substances sur lesquelles a porté l’observation, il en existe d’autres qui, tout en étant d’autres substances, d’autres sujets, d’autres parcelles, sont cependant de nature semblable. Cette croyance à la communauté de nature a, d’ailleurs, elle-même des degrés. En premier lieu, tous les physiciens admettent que les natures des corps même différents sont identiques à certains égards, plus ou moins nombreux ; ce qui suffit pour rendre possible la répétition d’ensemble de causes identiques à certains égards, desquels résultent des ensembles d’effets identiques aussi à certains égards. En second lieu, les chimistes sont aujourd’hui disposés à croire que les atomes d’un même corps simple ont des natures identiques à tous égards. S’il en est ainsi, cela rend possible la répétition d’ensembles de causes absolument identiques, sauf la situation dans le temps ou l’espace et la substance. Enfin quelques théoriciens soutiennent que les corps prétendus simples sont en réalité des composés, différents les uns des autres par l’ordonnance de leurs molécules, mais constitués tous par des atomes de même nature. L’univers matériel tout entier résulterait de combinaisons diverses d’éléments identiques.

Telles sont quelques-unes des croyances que l’analyse distingue dans ce que nous appelons le second principe ou le principe physique de l’induction. Il suffit de les énumérer pour montrer qu’elles sont très diverses, et qu’on pourrait difficilement leur attribuer une origine unique. La croyance que le temps et l’espace ne sont pas des causes paraît au premier abord tout à fait aprioristique, et cependant il serait peut-être imprudent d’affirmer, sans plus ample réflexion, qu’elle le soit absolument. Celle qu’il existe des communautés de nature entre les éléments matériels semble, au contraire, d’origine expérimentale. Le monde offre à nos regards des ressemblances tout autant que des différences et, quand le travail rationnel inter-