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A. NAVILLE. — les sciences physiques

impliquée dans la formule newtonienne pourrait être exprimée à peu près comme suit : si des objets doués de masse se trouvent simultanément dans l’espace et ne sont soumis à aucune influence contrariante, ils vont toujours et partout l’un vers l’autre d’un mouvement dont l’intensité est en raison directe de leurs masses et en raison inverse du carré de leurs distances. On voudra bien croire, je l’espère, qu’en faisant l’analyse logique d’une formule consacrée, je n’ai eu ni la prétention de la priver du respect dont elle est entourée, ni celle de donner à la science un théorème définitif.

Ce que les modernes appellent une loi, c’est donc un rapport conditionnellement nécessaire. Un théorème ou énoncé de loi est une affirmation hypothétique universelle. Pour être formulé d’une manière complète il doit contenir les mots : si — et : toujours et partout. Les logiciens se demandent depuis longtemps si notre esprit est réellement en droit de prononcer de pareils jugements. Nos observations et nos expériences étant toujours particulières, avons-nous le droit d’en induire des affirmations qui portent, non seulement sur les cas observés, mais sur tous les cas imaginables ? De ce que, une fois ou quelquefois, nous avons constaté un rapport de dépendance entre le phénomène A et le phénomène B, avons-nous le droit de conclure que ce rapport est universel, qu’il existe entre tout phénomène A et tout phénomène B ? et, si nous avons ce droit, sur quoi se fonde-t-il ?

Telle est la question de l’induction… On est généralement d’accord que le savant qui fait une induction ou universalisation d’un rapport expérimental suppose implicitement la vérité d’un premier principe qu’on appelle de divers noms : principe des causes efficientes, principe du déterminisme, principe des lois, et qui peut être formulé par exemple ainsi : un même ensemble de causes produit nécessairement un même ensemble d’effets. Seulement on n’est pas d’accord sur la nature et la valeur de ce principe que plusieurs paraissent considérer comme synthétique. Si je ne me trompe moi-même, il y a là une erreur ou du moins une confusion d’idées résultant d’une analyse insuffisante. Cette affirmation n’est pas synthétique, elle résulte elle-même du principe logique d’identité. Il y aurait contradiction à dire qu’un même ensemble de causes peut produire un autre ensemble d’effets. Ceux qui jugent synthétique le principe en question n’oublient-ils pas la manière dont nous sont donnés les phénomènes ? Ne raisonnent-ils pas comme si l’observation nous les présentait isolément ? tandis qu’en réalité ils nous sont toujours donnés dans leurs relations. À vrai dire, les relations sont le seul objet direct de la science. L’essence des choses est au delà de nos