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REVUE PHILOSOPHIQUE

VII

En résumé, la certitude sous sa forme la plus simple est constituée par deux images intenses, rapportées l’une à l’autre de telle manière que l’une d’elles soit prise comme donnée, comme substance, et associées ou dissociées fortement. Quel est le degré de vivacité que doivent avoir ces images, quelle doit être l’énergie du lien qui les réunit ou de l’opposition qui se manifeste entre elles, c’est ce qu’il nous est impossible de déterminer avec exactitude. Nous pouvons seulement dire que cette vivacité des images et cette énergie du lien ou de l’opposition peuvent osciller entre des limites assez considérables sans que, dans la pratique au moins, on cesse pour cela de se déclarer certain. Néanmoins, si on examine attentivement l’état de sa conscience, on remarquera que, dans bien des cas où l’on se déclare sûr, en réalité il y a place pour un doute plus ou moins considérable. Sans préciser davantage, on peut dire que le maximum de certitude que l’homme puisse atteindre se rencontre dans des

    philosophes contemporains, Wundt, en donne dans sa Logique. Après avoir, brièvement et mieux qu’aucun logicien avant lui ne l’a fait, signalé les exemples nombreux de méthode expérimentale et inductive qu’on trouve anciennement et encore actuellement dans la science mathématique, il n’en arrive pas moins à développer finalement une sorte de leibnizianisme, fortement mêlé, il est vrai, d’empirisme, auquel le lecteur ne s’attendait guère. La phrase suivante résume assez bien la différence de point de vue qui existe entre lui et Mill. Mill, dit-il, « considère les propositions mathématiques comme des inductions immédiates de l’expérience, tandis qu’elles sont des inductions tirées elles-mêmes de l’expérience » (Logik, Bd. II, S. 107). Voici, par exemple, comment Wundt considère le nombre comme une abstraction tirée de l’expérience. « Si nous nous demandons ce qui reste, lorsque nous avons fait abstraction de tous les éléments variables de ces représentations sur lesquelles s’exerce la fonction de numération, ce reste n’est rien autre chose que la fonction de numération elle-même, une suite et un enchaînement d’actes d’aperception, dont chacun représente l’idée abstraite d’unité. » Il ajoute cependant aussitôt : « Nous ne pouvons pas, à vrai dire, compter sans des objets qui nous soient donnés dans l’expérience interne ou externe, et tout exposé de nombres est en conséquence force de recourir à des figurations (Versinnlichungen) objectives. » Il nous semble qu’il y ait dans ce qui précède une contradiction, que Wundt d’un côté incline à admettre la possibilité d’actes d’aperception indépendants de l’expérience, tandis que de l’autre il nierait cette possibilité. Si en outre, comme nous avons essayé de le prouver, l’aperception ne peut jamais être séparée de l’image, si, ce que Wundt lui-même paraît admettre dans sa Psychologie, elle peut être considérée comme une sorte de propriété de tout phénomène mental, la seule conclusion possible, croyons-nous, c’est que l’idée de nombre est peut-être une idée plus générale que toute autre, mais néanmoins composée comme une idée générale ordinaire, c’est-à-dire d’idées particulières nombreuses. Ajoutons enfin qu’il ne peut y avoir nombre que de choses différentes. Donc, s’il y avait nombre d’actes d’aperception, c’est que ces actes seraient différents ; d’où leur peut venir cependant, dans la théorie de Wundt, cette différence, sinon, en dernière analyse, des sensations ?