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ANALYSES.b. conta. Origine des espèces.

la portée profonde de ces faits, — il ne leur attribue pas une grande importance. Pour lui « la nature, la direction et la persistance de la transformation et du perfectionnement des êtres organiques dépendent toujours de la nature, de la direction et de la persistance de la transformation du milieu ». Comme Spencer, et plus que Spencer, il accorde une grande importance à l’adaptation directe. La sélection naturelle « ne fait que décider quels individus, quelles espèces doivent périr avant les autres », et la sélection elle-même, la survivance des mieux adaptés est sous la dépendance de l’adaptation directe, tous les avantages qui font triompher un être plutôt qu’un autre étant en somme une adaptation moins imparfaite due à l’influence des milieux. Un autre argument est celui-ci : « Les modifications organiques continuent à se produire dans des directions déterminées pendant des milliers et des millions d’années. Ce fait ne peut être expliqué que si l’on admet que les modifications organiques sont produites et dirigées par le milieu. » Le bœuf par exemple, au lieu d’avoir des cornes pour se défendre, aurait pu avoir des dents saillantes comme l’éléphant. « Rien, d’après la théorie de M. Darwin, n’eût empêché le bœuf, par exemple, de subir au commencement des modifications tantôt dans le sens des cornes, tantôt dans celui des dents saillantes ; mais tous ces changements alternatifs l’auraient certainement empêché de parvenir jamais à avoir des cornes comme aujourd’hui. » — Et Conta ajoute, avec la fin du chapitre : « En résumé, Darwin croit que la principale cause des transformations organiques est la sélection naturelle et que les autres causes ne viennent qu’en deuxième et en troisième lieu. Je crois qu’il serait plus conforme à la vérité d’admettre l’inverse de ce qui a été proposé par Darwin, savoir : la première cause des transformations organiques est l’action directe des conditions extérieures d’existence ; après cela vient l’usage et le non-usage des organes (use and disuse of parts) ; et ce n’est qu’en troisième lieu, et avec une importance presque nulle, que vient la sélection naturelle. »

Ce qui précède nous permet d’entrevoir la théorie personnelle de M. Conta, théorie qui est exposée dans la section suivante. La terre à l’origine est à l’état gazeux ; elle s’est condensée peu à peu, l’azote, l’oxygène, l’hydrogène et l’acide carbonique restent à la surface et donnent naissance à l’air et à l’eau. « Les combinaisons de ces deux corps ont donné naissance à d’autres corps qui, au commencement, ne différaient pas sensiblement des premiers, mais qui s’en sont continuellement et insensiblement éloignés, jusqu’à ce qu’ils soient arrivés, après une évolution de bien des milliers d’années, à se trouver transformés en êtres organiques du dernier degré d’infériorité, tels que les cellules organiques indépendantes et les monères. » L’évolution continue « graduellement et insensiblement ». Cette évolution est générale sur le globe, car « l’eau et l’air se trouvaient au commencement, à très peu près, dans les mêmes conditions sur toute la surface de la terre ». Tous les