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ANALYSES.c. hillemand. Spécificité cellulaire chez l’homme.

portent des matières gazeuses ou liquides, d’autres agissent sur les matières premières qui leur sont apportées et leur font subir des élaborations spéciales, d’autres se spécialisent pour le travail mécanique, d’autres édifient les leviers nécessaires à l’accomplissement de cette mécanique, d’autres déchargent l’organisme de ses produits de combustion et de ses déchets de tous genres. Si les cellules sont ainsi des êtres distincts et très variés, n’est-il pas naturel de chercher à les répartir en groupes, à les classer comme on a fait pour les animaux et les plantes ? Et si on essaye un travail de ce genre, les problèmes relatifs à la classification se posent-ils de la même manière ? Peut-on parler à propos de ces êtres microscopiques de genres, d’espèces, relativement invariables, d’hérédité, de changements par l’évolution ?

M. H. soutient que ces problèmes de classification sont du même ordre et qu’il faut appliquer aux éléments des organismes les méthodes et les théories de l’histoire naturelle. Il repousse la thèse de l’indifférence cellulaire, qui fait naître uniformément les cellules appartenant en propre à chacun des tissus de l’organisme d’éléments embryonnaires indifférents. Il pense, au contraire, avec un histologiste de grand mérite, M. Bard, qu’il faut y substituer la notion de la spécificité absolue des éléments anatomiques différents, et par spécificité il entend « que les divers types cellulaires constituent tout autant de familles, de genres, d’espèces qui, comme dans le règne animal, peuvent bien remonter dans la série des êtres à une souche commune, mais qui ont poursuivi leur évolution collatérale et qui sont maintenant devenues inaptes à se transformer les uns dans les autres. » (46.)

Les maladies qui semblent métamorphoser des cellules ne forment que des variétés et non des types d’espèces ; « les variétés cellulaires comme les variétés animales et végétales sont, en effet, susceptibles, lorsque leurs conditions d’existence se trouvent accidentellement modifiées, de faire retour par atavisme au type spécifique ancestral d’où elles sont dérivées, mais jamais on ne voit deux variétés collatérales se transformer l'une dans l'autre ». Les espèces plus fixes encore « sont caractérisées par la permanence de leur type général dans toutes les conditions physiologiques et pathologiques, ou du moins le type ne se transforme jamais en un autre type cellulaire défini ». Les genres sont constitués par les différentes formes primitives qui dérivent d’un même feuillet du blastoderme ; enfin ces feuillets eux-mêmes formeraient les grands embranchements qui contiennent tous les genres, « jamais un feuillet du blastoderme ne se substitue à un autre dans la production d’un type cellulaire ».

Cette application audacieuse de la classification des animaux aux éléments mêmes de ces animaux, me paraît mettre en relief un fait très rare et très intéressant pour le logicien. On a souvent dit depuis Platon que ce qui est le plus général est le plus primitif et forme la source des choses particulières, mais jamais le classificateur n’a pu démontrer que les êtres apparaissaient réellement dans l’ordre où il les classait. Ici le