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ern. naville. — science et matérialisme

psychiques, en un mot, ne sont que des mouvements. C’est bien ce qu’on affirme. Je me borne à quelques exemples.

M. Richet déclare que, jusqu’à preuve du contraire, « il considérera la pensée et le travail psychique comme un phénomène vibratoire, de même ordre et de même nature que tous les phénomènes vibratoires connus jusqu’ici ». Il pense que cette thèse est le résultat d’une induction légitime, parce que sans cela la pensée serait « une exception sans analogie dans le monde[1] ».

M. Herzen. « Tout acte psychique consiste en une forme particulière de mouvement[2]. »

M. Moleschott. « La pensée est un mouvement de la matière. — La pensée est un mouvement, une transformation de la matière cérébrale[3]. »

Telles sont les thèses du matérialisme. J’éprouve un certain embarras en présence d’affirmations de cette nature. Elles sont fort claires en ce sens que les paroles sont transparentes et ne jettent aucune obscurité sur la pensée ; mais la pensée me semble inintelligible dans la proportion même de sa clarté, et je me demande si ceux qui l’émettent réussissent à y attacher un sens ; de là mon embarras. Je parlais, un jour, de ce sujet avec un physiologiste célèbre ; et comme je caractérisais l’affirmation que les faits psychiques sont des mouvements par des termes un peu vifs, voici ce qu’il me répondit : « Prenons pour exemple le fait psychique de la douleur. Nous disons que la lumière et les couleurs sont des ondulations de l’éther ; mais il est bien entendu que, pour que ces ondulations produisent les sensations lumineuses, il faut qu’elles agissent sur des êtres capables de sentir. Nous pensons que, de même, la douleur est un mouvement moléculaire de la substance nerveuse, mais il est bien clair que, pour qu’il y ait douleur, au sens psychique du terme, il faut que le moi soit présent. »

Je me trouvai d’accord avec mon interlocuteur. Il n’y a aucune objection à faire à la thèse que la douleur, comme tous les autres faits psychiques, a une condition organique ; mais le matérialisme ne peut admettre la présence du moi, comme d’une réalité distincte ; il est obligé de dire, et il dit, que là où nous voyons un rapport entre les mouvements de la matière et l’esprit, il n’y a de réel que les mouvements de la matière qui ne sont pas la condition des phénomènes psychiques, mais qui les constituent. Comment l’entendre ?

Écoutons M. Tyndall : « Admettons que le sentiment amour cor-

  1. Revue scientifique du 15 janvier 1887, p. 84.
  2. Ibid., 22 janvier 1887, p. 105.
  3. La circulation de la vie, p. 178 et 179.