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ern. naville. — science et matérialisme

Ces études offrent un grand intérêt. Quel peut en être le résultat, en les supposant couronnées d’un plein succès ? Que peut-on entrevoir dans un lointain avenir, comme le résultat, sinon probable, du moins théoriquement possible des recherches ?

Supposons un cerveau transparent et un physiologiste doué d’une science aussi complète que possible. De même que nous comprenons la pensée dans les sons qui l’expriment par la parole, ou dans les caractères de l’écriture, ce physiologiste constaterait tous les faits psychiques dans leurs conditions organiques. Ces conditions organiques lui apparaîtraient comme des causes dans les phénomènes de réceptivité ; elles lui apparaîtraient comme des effets dans les actes de la volonté. J’admets cette conception comme un idéal ; j’admets que la science puisse s’en rapprocher dans une certaine mesure ; j’admets que l’on arrive à déterminer la condition organique de la conscience même, par la validation de quelques hypothèses récentes à ce sujet. Il est impossible de rien espérer, de rien entrevoir au delà d’un tel état de la science.

La science affirme donc l’union intime des phénomènes physiologiques et des phénomènes psychiques. « Les actes psychiques eux-mêmes sont liés à un mouvement matériel. » C’est selon M. Schiff le résultat de ses expériences[1]. « Le fait fondamental sur lequel repose toute psychologie scientifique est qu’il n’y a point d’activité psychique sans mouvement moléculaire corrélatif des éléments nerveux. » C’est la conclusion des études de M. Herzen[2]. Voici comment s’exprimait M. Debierre, en ouvrant un cours d’anatomie à la faculté de médecine de Lille. « Le psychologue, sous peine de faire fausse route, doit être doublé d’un naturaliste… Le philosophe lui-même doit se pénétrer de cette vérité que la science de l’organisation bien interprétée et l’étude des conditions matérielles de l’intelligence doivent être considérées comme l’un des fondements les plus solides de la psychologie[3]. » Cela est fort juste ; mais ce qui n’est pas moins juste, c’est que le naturaliste, dès qu’il aborde l’étude des phénomènes psychiques, doit être doublé d’un psychologue, sous peine de faire fausse route. Sans cela il courra continuellement le risque de perdre de vue les éléments constitutifs de l’esprit humain pour ne voir que les organes.

En résumé, la science établit la diversité essentielle et l’union intime des phénomènes physiologiques et des phénomènes psychiques. Elle enseigne que, du moins dans les conditions de

  1. Archives de physiologie, mars-avril 1869 à juillet-août 1870.
  2. Le cerveau et l’activité cérébrale, p. 17.
  3. Revue scientifique du 21 janvier 1888.