M. Tyndall. « Le passage de l’action physique du cerveau aux faits de conscience correspondants est inexplicable… L’abîme qui sépare ces deux classes de phénomènes sera toujours infranchissable pour l’intelligence[1]. »
M. Du Bois-Raymond, après avoir signalé la différence absolue des phénomènes matériels et des phénomènes psychiques, dit qu’il n’est pas nécessaire pour constater cette différence de penser aux manifestations supérieures de l’esprit humain et que l’étude de la plus élémentaire des sensations sulfit : « Lorsqu’au commencement de la vie animale sur la terre, l’être le plus simple éprouva pour la première fois un sentiment de bien-être ou de déplaisir, l’abîme infranchissable dont je viens de parler s’ouvrit[2]. »
Il est facile de comprendre la nature de cet abîme, pour employer l’expression qui s’est imposée à la pensée de MM. Tyndall et Du Bois-Raymond. Rien ne peut mieux éclairer ce sujet que l’étude attentive de cette phrase connue de Cabanis : « Le cerveau digère les impressions et fait organiquement la sécrétion de la pensée. » Il suffit de s’arrêter à cette expression la sécrétion de la pensée. Que se passe-t-il dans une sécrétion ? Les cellules élaborent dans leur sein, au moyen des matériaux qu’elles ont puisés dans le sang, et par des procédés physico-chimiques encore mal connus, des produits matériels d’une nature spéciale. Dans ce domaine tout se présente objectivement à l’observation sensible, ou se représente à l’imagination. Il s’agit de mouvements de la matière, et tout se ramène à des conceptions de même ordre : masse, direction, vitesse… Mais s’agit-il de la pensée ? C’est un phénomène d’un ordre absolument différent. Toute représentation objective, empruntée à l’observation sensible, fait défaut. Ainsi que le remarque très justement M. Tyndall, on peut toujours se figurer (se représenter objectivement) un phénomène physique, une transformation du mouvement, « tandis qu’on ne peut pas se figurer le passage de l’état physique du cerveau aux faits correspondants du sentiment[3] ». M. Herbert Spencer a méconnu cette vérité lorsqu’il a écrit : « Les modes de l’Inconnaissable que nous appelons mouvement, chaleur, lumière, affinité chimique, etc., sont transformables les uns dans les autres, et dans ces modes de l’Inconnaissable que nous distinguons par les noms d’émotion, de sensation, de pensée[4]. » Cet auteur assimile absolu-