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B. BOURDON. — la certitude

cette ressemblance absolue des uns et des autres ? Bien d’autres conditions influent sur la perception de l’identité et la rendent difficile ou impossible, par exemple la nature, l’intensité des images comparées, l’idiosyncrasie de celui qui la perçoit. Ainsi tel individu déclarera identiques deux sons qui pour un autre pourront différer d’un quart de ton, d’un demi-ton, d’une octave. De même l’un de mes sens percevra une différence là où un autre percevra une identité. Deux lignes espacées d’un demi-millimètre seront facilement distinguées par mon œil et ne le seront pas par mon toucher.

La perception et à plus forte raison la conception de l’identité ne présentent donc rien d’absolu. Quand maintenant l’identité se constate et fait l’objet d’une certitude, les conditions qui se trouvent remplies sont précisément celles que nous avons précédemment étudiées : les deux images comparées sont intenses et elles s’associent rapidement et énergiquement. C’est ce qui a lieu quand l’identité se produit dans la perception : ainsi quand je regarde les deux A de la formule A = A ou quand j’entends deux notes identiques à très peu d’intervalle. C’est ce qui a lieu encore quelquefois quand il s’agit d’une perception et d’une image représentative, à la condition que cette image représentative soit vive, fasse, par exemple, partie avec d’autres d’un groupe solidement organisé, tels que ceux qui constituent les idées générales. C’est ainsi que je reconnais tout de suite un homme. Enfin une grande vivacité encore des images et une attraction énergique entre elles, fondée sur la ressemblance, peuvent se produire quelquefois, quoique plus difficilement, avec deux images représentatives l’une et l’autre, et par conséquent donner lieu à une certitude. Les développements qui précèdent impliquent d’ailleurs que toute identité se résout en une très grande similitude et une très petite différence ; dans la perception de A = A, les deux A diffèrent au moins par leur position dans l’espace. À rigoureusement parler, il ne peut exister d’identité sans différence.

Tels sont quelques-uns des principaux critériums de vérité que nous rencontrons dans l’histoire de la philosophie. On voit combien sont étroites les vues qui ont guidé tels et tels quand ils ont voulu prétendre que tel parmi ces critériums avait une valeur absolue, que tel autre n’en avait aucune. La vérité est que la certitude n’a à aucune époque de l’histoire essentiellement changé de nature, qu’elle continue toujours d’être soumise aux mêmes influences et composée des mêmes éléments ou à peu près. Seulement le degré relatif de ces influences a quelque peu changé et les tendances mentales particulières dans l’humanité se sont quelque peu modifiées en intensité relative. En d’autres termes, nos certitudes, notre pensée,