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B. BOURDON. — la certitude

haut degré. On voit par là que l’accord en question constitue, non pas le moins du monde un critérium de vérité, mais un des éléments mêmes de la vérité ou de la certitude basée sur la perception d’une ressemblance entre des phénomènes. Ce prétendu critérium serait d’ailleurs tout à fait insuffisant, puisque, parmi nos certitudes, il en est peut-être autant qui reposent sur la perception de différences qu’il en est de fondées sur celle de ressemblances. Ainsi X est Y peut être tout aussi vrai que X est X.

Remarquons encore que nous sommes capables de saisir parfois presque aussi bien la similitude de deux propositions que celle de deux simples objets ou idées. Quand ces propositions, tout en présentant une grande analogie, sont individuellement considérées, fausses l’une et l’autre, la ressemblance aperçue entre elles ne donne plus lieu qu’à ce qu’on appelle une vérité formelle ; exemple : « Tous les hommes sont immortels, Pierre est immortel. » Inutile d’ajouter que ces vérités simplement formelles sont encore des créations artificielles des logiciens.

Notons enfin que la perception de nombreux objets semblables a pour conséquence, ainsi que nous l’avons montré, de faire apparaître en nous une tendance à apercevoir désormais plus aisément, plus rapidement tout objet semblable, et aussi à compléter ce qui, par hasard, dans une nouvelle perception de l’objet, ne serait pas immédiatement donné. De là l’explication de l’obligation logique où nous nous sentons souvent d’affirmer ce qui concorde avec ce que nous avons déjà souvent observé. Cette obligation logique, quand on l’envisage, ce qui est le cas ordinaire, par rapport, non plus aux objets considérés individuellement, mais aux relations qui existent entre eux, est l’équivalent subjectif de l’invariabilité des relations réelles (A. Comte). Un cas fort intéressant du principe de l’invariabilité des relations, c’est le principe de causalité ou de l’invariabilité des relations de succession ; on peut encore le formuler ainsi : Partout et toujours les mêmes phénomènes sont précédés et suivis des mêmes phénomènes[1]. Le principe de causalité correspond dans

  1. La formule que donnent du principe de causalité certains traités de philosophie est tout à fait défectueuse parce qu’elle omet précisément le mot le plus important, le mot même. Les savants en effet croient, non pas simplement que tout fait a une cause, mais bien que tout fait a toujours la même cause. De là le mot invariable ajouté par Mill à celui d’antécédent quand il définit la cause. Il ajoute aussi le mot inconditionnel ; mais, d’une part nous ne voyons nullement l’utilité de ce second qualificatif, et d’autre part nous en voyons très bien le danger, puisqu’avec lui nous sommes amenés en présence de l’idée de l’absolu qui est loin, comme le prouvent les discussions qui se sont élevées à son sujet, d’être claire pour tout le monde. Si Mill a introduit ce mot inconditionnel dans sa définition, c’est qu’il voulait éviter qu’on lui fit l’objection que, par