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tel, il est certain pour ceux qui le constatent. D’autre part, cette perception contredit à beaucoup d’égards l’ensemble des perceptions antérieures qui lui ont été analogues, revêt à ce titre un caractère anormal, surnaturel, peut conférer, par conséquent, dans l’esprit de ceux qui en sont témoins, à celui auquel le miracle est attribué une puissance, une autorité elles-mêmes anormales, surnaturelles. Le miracle, en prenant le mot dans un sens large, devient ainsi le fondement de l’autorité. Il a donc joué et jouera un rôle aussi considérable que l’autorité elle-même. On croira toujours plutôt l’homme qui accomplira des choses extraordinaires que celui qui fera simplement ce que tout le monde peut faire. Ainsi la confiance que le peuple accorde aujourd’hui aux savants tient incontestablement surtout au caractère miraculeux que présentent pour lui leurs découvertes.

Nous arrivons maintenant aux critériums qui rencontrent une certaine faveur chez les savants et philosophes modernes ou contemporains. Tels sont, par exemple, ceux de l’inconcevabilité de la négative, de l’accord de la pensée avec elle-même et autres semblables.

Si l’on se souvient de ce que nous avons dit précédemment quand nous avons montré comment-les certitudes négatives ne sont rien de primitif, on comprendra que plus une certitude positive acquiert en nous de force, plus la surprise que cause une affirmation qui la contredit s’accroît. À des certitudes de plus en plus fortes correspondent ainsi logiquement des négations de plus en plus capables de surprendre, de plus en plus difficilement concevables. Et c’est pourquoi on peut en effet dire que la plus ou moins complète impossibilité d’une conception négative est un signe de la vérité de la proposition positive contraire. Seulement nous devons faire remarquer que précisément de cela même qu’une certitude s’impose à nous de plus en plus il résulte l’improbabilité de plus en plus grande que la pensée puisse nous venir de la nier. En conséquence, le critérium de l’inconcevabilité de la négative ou de l’impossibilité de se contredire revêt un caractère au plus haut degré artificiel et, en fait, seul un logicien de profession peut s’aviser de songer à dire qu’un homme n’a pas deux mains, que les corps lourds, abandonnés à eux-mêmes, ne tombent pas. On ne peut supposer qu’un homme ordinaire, même pour se prouver les vérités positives contraires, puisse venir émailler son discours de propositions pareilles.

Le critérium de l’accord de la pensée avec elle-même repose sur le phénomène, précédemment signalé, de l’attraction énergique qu’exercent l’une sur l’autre deux pensées qui se ressemblent à un