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B. BOURDON. — la certitude

tion particulièrement intenses qu’éveille en nous la simple vue du personnage qui nous témoigne quelque chose ; une tendance énergique entre chez nous en acte, savoir la tendance à la peur, au respect et à l’admiration de la force. De là la surexitation mentale, l’attention considérable qui se manifestent en nous, et, conséquemment, la vivacité et la persistance des images qu’est venu fortifier en nous un tel témoignage. Comme le témoignage pur et simple, l’autorité doit toujours aussi jouer un rôle important dans la formation de la certitude humaine. De moins en moins il est possible à l’Européen de tout faire et de tout apprendre par lui-même. Une division croissante du travail économique, politique, scientifique s’impose et il en résulte, par rapport à la science, que chacun doit, s’il veut pouvoir arriver à quelques résultats sérieux, se cantonner dans son coin et croire de confiance, pour toutes les questions autres que celles qui le concernent spécialement, des hommes qui pour lui ou de l’aveu de tous sont des autorités. Quel chimiste pourrait refaire de lui-même toute la chimie, et même, voulût-il la refaire, ne se guiderait-il pas encore sur des autorités pour employer de préférence telle méthode, éviter tels tâtonnements ? Notons en passant le rôle important que l’autorité a jouée et joue en psychologie. Les psychologues en effet ont subi constamment l’influence des savants dont la science se trouvait, à leur époque, arrivée à un haut développement. C’est ainsi que la psychologie a commencé par être théologique au moyen-âge. Puis elle est devenue mathématique au temps où de grandes découvertes mathématiques se faisaient ; on sait comment Spinoza déclare au commencement de son Éthique qu’il va traiter des passions comme il traiterait de lignes, de plans et de solides. Puis la physique ayant fait des découvertes surprenantes, nous avons eu la psycho-physique ; nous avons enfin en la psychologie physiologique. La science psychologique a d’ailleurs toujours gagné à s’incliner ainsi devant ses sœurs aînées, mathématique, physique, physiologie, et à vouloir faire comme elles. Il n’est pas jusqu’à la théologie qui ne lui ait rendu de grands services[1].

Quant au critérium du miracle, auquel ont eu recours principalement les docteurs chrétiens, on se l’explique aussi très aisément. Le miracle est le plus souvent constitué par une perception. Comme

  1. Ainsi, pour ne prendre qu’un seul exemple, la spiritualité excessive attribuée à l’âme par le christianisme se retrouve chez Descartes et beaucoup de ses successeurs, et a pu sauver la psychologie moderne du matérialisme dans lequel elle a souvent risqué de tomber d’une manière plus ou moins définitive sous l’influence des découvertes de la physique, de la chimie et de la physiologie, ce qui eût pu être fort dangereux pour elle.