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main, elle sautait sur cette proie, ou au moins essayait de sauter, mais le plus souvent manquait son coup ; car elle ne sautait que guidée par l’odorat, lequel est insuffisant à donner une localisation exacte de l’endroit où se trouve une proie.

Puis, si l’on enlevait le lapin, elle continuait à sauter vers le même point, comme si le lapin était resté à la même place.

En général, quand on menace un chien avec un bâton, il cligne des yeux, se cache, a peur, et cherche à s’enfuir. Mais, chez elle, rien de semblable. On ne parvenait pas à l’effrayer avec un bâton, et on ne déterminait ni frayeur, ni fuite, ni clignement. Chez aucun chien adulte normal, cette réaction psychique ne fait défaut. Il est donc très important de constater son absence. Cela indique nettement la cécité psychique, comme d’ailleurs Munk l’a établi il y a longtemps.

Ces expériences répétées un grand nombre de fois, et devant les personnes qui venaient au laboratoire de physiologie de la faculté, ont toujours donné le même résultat. Il suffisait de quelques minutes d’examen pour se convaincre absolument que notre chienne avait des excitations visuelles qui ne pouvaient se transformer en perceptions intelligentes.

Alors nous la sacrifiâmes, pour que l’autopsie nous permît de préciser les points du cerveau lésés.

Elle fut tuée par l’injection d’une faible dose de cocaïne. En effet, chez les chiens qui ont une lésion cérébrale, la cocaïne, à dose même très faible, produit des désordres graves et curieux, sur lesquels nous n’avons pas à insister ici et que nous nous contentons de mentionner pour mémoire.

L’autopsie nous a donné les résultats suivants.

Nous trouvâmes, à gauche, une lésion très étendue, ayant détruit, sur une surface de 4 à 5 centimètres carrés, la superficie circonvolutionnaire. La circonvolution du gyrus sigmoïde est fortement atteinte et détruite, si bien que la partie antérieure persiste seule et est seule intacte. Le pli courbe de ce même côté est atteint légèrement, mais assez toutefois pour que toute sa partie antérieure soit détruite, tandis que la partie postérieure est intacte.

À droite la lésion a porté beaucoup plus en arrière, et elle est en même temps plus profonde. La zone motrice est totalement indemne. Le tiers postérieur des trois circonvolutions parallèles est détruit, il en est de même d’une partie du pli courbe qui est lésé en sa partie supérieure.

Des deux côtés, par conséquent, les lésions ont eu lieu sur des zones différentes. Une seule zone est atteinte des deux côtés à la fois, c’est la partie supérieure du lobule du pli courbe.

Or, étant donnés les troubles psychiques, sensoriels observés des deux côtés, il est intéressant de constater par ce procédé de deux lésions