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REVUE PHILOSOPHIQUE

Ces remarques concernant l’attention nous ont conduit sur le terrain des éléments volitionnels de la certitude. L’attention peut être en effet considérée comme la forme sous laquelle la volonté intervient le plus spontanément dans la certitude. En elle-même et si on la distingue de l’intensité de l’image, elle est simplement constituée, comme nous l’avons indiqué tout à l’heure, par les phénomènes tactilo-musculaires qui se produisent ou tendent à se produire chaque fois qu’une image surgit dans notre cerveau[1]. Ces phénomènes apparaissent, chez l’homme, comme ayant avec les images qu’ils accompagnent des rapports d’adaptation soit naturelle, soit acquise : naturelle, comme par exemple quand, très tôt après sa naissance, l’enfant fixe son regard sur l’objet brillant qu’il voit ; acquise, comme chez ceux qui ne peuvent réfléchir sérieusement qu’en se tirant la barbe, en marchant, etc. Grâce à cette adaptation de l’image à l’attention et peut-être de toute image déterminée à un mode d’attention déterminé, il peut y avoir aussi bien action de l’image sur l’attention que réciproquement ; ainsi l’œil s’adapte à l’impression qu’il reçoit, c’est-à-dire l’image visuelle amène, par un acte plus ou moins réflexe, une certaine tension des muscles de l’œil, et réciproquement toute tension des muscles de l’œil, telle que celle qui se produit dans les cas d’attention visuelle, tend à augmenter, sans doute, la vivacité des images visuelles.

D’après ce qui précède, il convient, dans la théorie de la certitude, d’éliminer les prétendus éléments volitionnels, en tant du moins qu’il s’agit de l’attention, comme ne constituant rien de particulier qui n’ait été précédemment étudié. Ils se réduisent en somme à l’action exercée sur une image ou un groupe d’images par les sensations qui nous viennent, dans l’attention, des muscles innervés ; ces sensations pouvant d’ailleurs être considérées, comme toutes autres, au point de vue de leur qualité qui reste toujours d’ordre tactilo-musculaire, et au point de vue de leur intensité qui est plus ou moins grande selon que l’attention est plus ou moins grande.

Il nous reste donc simplement à considérer les influences émotionnelles, c’est-à-dire celles qu’exercent le plaisir et la douleur. Il n’est pas rare d’entendre parler de l’action des passions, des sentiments sur la certitude. Comme dit le proverbe : « On croit ce qu’on désire. » Ces remarques, qui appartiennent à la psychologie populaire, sont en partie exactes, mais, au point de vue d’une théorie scientifique, elles demandent à être davantage précisées. Le plaisir et la douleur ne sont pas ici des causes, pas même des effets, ils sont

  1. Voir Ribot, Psychologie de l’attention.