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B. BOURDON. — la certitude

phrase précédente, les mots grâce à une activité causalement déterminée par l’ensemble du développement de la conscience. Qu’est-ce qui cause en effet ce développement lui-même sinon, dans la mesure au moins où nous pouvons aujourd’hui l’étudier, les habitudes de la vie matérielle, l’éducation reçue, les études auxquelles nous nous sommes adonnés avec suite ou qui nous ont été imposées ?

On ne peut donc guère considérer l’aperception comme un facteur indépendant dans le développement de la vie mentale. Elle n’est même pas comparable aux sentiments de plaisir et de douleur que certains considèrent comme des propriétés de la sensation en général, mais au moins comme des propriétés que la conscience ne confond ni avec l’intensité ni avec la qualité des sensations. Par quoi au contraire l’aperception d’une image bleue se différencie-t-elle du bleu de l’image et de l’intensité de ce bleu ? Par les sensations de tension qui l’accompagnent ? Mais ces sensations de tension ne sont rien de spécifique, elles sont de simples sensations tactilo-musculaires qui nous viennent des muscles contractés pendant la perception, et qui constituent l’attention proprement dite. L’attention, sans doute, tend à donner lieu à une sensation d’apparence spécifique et, à la rigueur, on pourrait, au moins dans un traité élémentaire de psychologie, la considérer comme une propriété de la sensation presque au même titre que le ton de sentiment ; mais, dans une théorie exacte, il n’est pas possible d’en faire une sensation vraiment spécifique.

Si cependant on veut prétendre que l’aperception est autre chose que l’attention, il ne reste, croyons-nous, qu’une hypothèse possible, c’est qu’elle se confond avec l’intensité de l’image. De toute manière elle disparaît comme phénomène spécifique. Du reste, si l’on admet que l’aperception n’est autre chose que cette intensité, on s’explique bien qu’elle puisse avoir été confondue avec l’attention. En effet l’attention forme un tout avec l’image, varie comme l’intensité de l’image perçue. Si cette dernière affirmation paraît de prime abord fausse à quelques-uns, parce que souvent nous appliquons notre attention précisément à l’observation d’objets difficilement perceptibles, il suffira, pour enlever tout doute, de faire remarquer que le cas d’attention concentrée sur de tels objets n’a rien de primitif et qu’il s’explique par l’éducation reçue ; ainsi l’homme n’est point porté naturellement à s’appliquer à déchiffrer des manuscrits peu lisibles ; cela seul éveille à un haut degré l’attention de l’enfant qui évoque en son esprit des images naturellement intenses et, plus l’intensité des images s’accroît, plus s’accroît aussi, ce semble, l’attention.