Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
44
REVUE PHILOSOPHIQUE

L’antécédent de toute aperception qui se développe, ce n’est donc pas l’intérêt, la volonté, c’est, par exemple, la répétition et l’habitude qui en résulte. Dans la vie pratique, des phénomènes équivalents se rencontrent. Ce n’est pas le plaisir de fumer qui nous fait contracter l’habitude de fumer. L’habitude s’acquiert par la répétition de l’acte, et toute répétition d’un acte en général, quel qu’il soit, amène, plus ou moins vite selon les individus, la formation d’une habitude, laquelle a pour conséquence elle-même l’apparition d’un besoin. Quant aux tendances innées à certains modes d’aperception, tendances dont l’existence ne saurait être contestée, on ne peut faire à leur sujet, en conséquence, qu’une seule hypothèse qui repose sur des données positives, savoir : on doit admettre qu’elles-mêmes se sont formées à la suite de longues répétitions et peu à peu se sont tellement organisées que les pères les ont transmises à leurs enfants. C’est ainsi que l’œil voit tout de suite, que l’enfant est extrêmement sensible aux images qui se rattachent à la vie animale, par exemple au besoin de manger. Ces tendances innées ne peuvent pas d’ailleurs être complètement expliquées, car elles se relient finalement à la question des éléments ultimes de la conscience et de la vie. C’est au reste perdre également son temps que de discuter sur l’aperception en général comme sur la conscience en général et sur la vie en général, si on ne prend pas soin de se souvenir que l’aperception en général, par exemple, n’existe pas autrement que le corps humain en général, c’est-à-dire se résout en aperceptions diverses en même temps que semblables, en fonctions de la pensée morale, religieuse, logique, etc.

D’après ce qui précède, l’aperception ne se distingue pas essentiellement, quant à son mode de formation, des phénomènes que produit l’association. Elle se fonde au contraire sur l’association, et c’est ce que Wundt lui-même, qui a longuement développé la théorie de l’aperception, semble incliner à reconnaître quand il dit que la différence essentielle qui existe entre les liaisons aperceptives et les associations pures et simples consiste en ce que « dans les premières l’aperception est une aperception active, c’est-à-dire elle n’est pas dirigée dans un sens unique par une représentation produite par voie d’association, mais, grâce à une activité causalement déterminée par l’ensemble du développement de la conscience, elle choisit parmi plusieurs représentations celles-là qui, des points de vue de comparaison où l’on se place, apparaissent comme celles qui conviennent » [1]. Ce que nous voulons faire remarquer c’est, dans la

  1. Physiologische Psychologie, 3. Aufl., Bd. II, S. 384.