REVUE GÉNÉRALE
MISÈRE ET CRIMINALITÉ
La France criminelle, par Henri Joly (Paris, Cerf, 1889). — La Sociologia criminale, par le Dr Colajanni, second volume (Catane, Filippo Tropea, éditeur).
On a beau vanter les hommes unius libri, ils sont dangereux et ennuyeux ; et il en est souvent ainsi des comptes rendus d’un seul livre. Aussi, quand un critique a la chance de pouvoir rapprocher et entremêler deux ouvrages contemporains propres à se compléter ou à se réfuter l’un l’autre, il ne doit pas perdre l’occasion de cet utile rapprochement. Le nouvel ouvrage de M. Joly est une suite, comme celui de son antipode et allié sicilien ; après avoir fait de la psychologie criminelle dans son ouvrage antérieur, dont nous avons rendu compte, il fait, dans celui-ci, de l’ethnographie, de la géographie, de la sociologie criminelle, à un point de vue exclusivement français. M. Colajanni s’ouvre un champ plus vaste : la statistique comparée du monde entier, dans la mesure où elle est connue ; et, du reste, Français de cœur, l’un des plus ardents et des plus dévoués amis que notre patrie compte sur la terre de Crispi, il puise de préférence parmi nous ses exemples et ses documents. Sans doute, ce socialiste et ce chrétien ne parlent pas la même langue, c’est le cas d’employer cette locution, mais ils s’associent dans une guerre commune contre l’explication naturiiliste du crime et du criminel, dans une même antipathie manifeste contre l’école lombrosienne et une préférence chaleureuse accordée aux explications tirées des conditions sociales. À l’un comme à l’autre, je ne puis m’empêcher de reprocher parfois un certain excès d’abondance ou de complaisance en leur propre sens ; mais ils sont nourris de faits patiemment recueillis soit par des recherches personnelles, soit par d’instructives compilations et des comparaisons fécondes. Ces eaux courantes sont très poissonneuses, et il fait bon y naviguer, ne serait-ce que pour y pêcher.
Le sentiment qui leur est commun, et qui les pénètre, c’est celui de la solidarité universelle même dans le crime, de la participation, inconsciente et atténuée, mais réelle, de tous, à la faute d’un seul. Voilà