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J. PAYOT.sensation, plaisir et douleur

permet de prendre pour signe de quelque chose une chose qui est liée à cette autre par un lien de séquence très constant ; mais cette induction qui réussit généralement, il faut se garder de l’ériger en loi de la nature, et de vouloir attribuer à la conscience le don des prévisions à longue échéance.

La seule objection, à mon sens décisive, contre notre théorie, serait la présence d’une douleur dans la conscience, le niveau des forces demeurant très élevé : un seul fait de cette nature, bien constaté, offrirait une difficulté insurmontable. Or de tels faits existent : par exemple l’idée d’une sensation douloureuse peut être elle-même douloureuse quand bien même le rapport entre la dépense et l’avoir demeure positif. Si la sensation traduit une réaction, il est clair que le souvenir ne différant qu’en degré de l’état présentatif, traduit lui aussi une réaction : mais cette réaction est très atténuée, et cependant il y a douleur.

L’explication de cette apparente anomalie est facile.

Nous savons qu’en présence d’une impression la réaction entame les réserves et que la douleur se produit. Le souvenir de cette impression produit aussi une douleur ; mais remarquons-le, cette douleur est fort atténuée : c’est moins une douleur réelle qu’un chagrin, un malaise. Rarement la douleur va jusqu’à la douleur violente, et le chagrin n’est si pénible que par sa durée et par ses effets physiologiques accumulés pendant longtemps.

Toutefois cette douleur, quelque atténuée qu’elle soit, contredit la théorie. Mais il faut se souvenir que la réaction douloureuse à l’impression ne tarde pas, par la répétition, à former un système bien lié, un tout connexe, si bien que petit à petit les associations des éléments deviennent très étroites. Dès lors, la réaction atténuée occupe la place de l’autre, se conduit comme l’autre : et lors même qu’il y a surabondance de forces, l’appel se faisant dans les voies de conduction organisées, prend les forces aux viscères. C’est un simple résultat de la loi d’habitude.

On peut trouver des preuves de cette explication dans ce fait que même au milieu d’une surabondance de forces, un chagrin léger influe aussitôt sur l’estomac, sur le cœur. Des idées pénibles prolongées finissent par ruiner la santé : une inquiétude même légère porte atteinte à la nutrition.

Cette systématisation qui fait de chaque état habituel un tout fortement lié, susceptible d’être mis en action par de fugitifs souvenirs, nous permet de résoudre la difficulté si embarrassante à première vue. On démontrerait de même qu’une tendance représentative, en quelque sorte réduite à un schéma, se conduit comme la tendance