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J. PAYOT.sensation, plaisir et douleur

rôle est d’éveiller tout un groupe de souvenirs qui la recouvrent entièrement, et qui même peuvent la supplanter comme dans le cas des contrastes simultanés. Il est alors très difficile de démêler en elle un élément qui ne soit purement intellectuel.

Mais après les explications qui précèdent, il est impossible de ne pas admettre que toute sensation, quelle qu’elle soit, a été à l’origine affective. La conclusion s’impose qu’une sensation n’est que la traduction en termes de conscience d’une réaction complexe et totale de l’organisme.

Mais cette conclusion fondée sur l’expérience ne fournit qu’une loi isolée, empirique. Il est possible de la déduire, c’est-à-dire de la subordonner à des lois beaucoup plus générales qui l’impliquent, à savoir, aux lois générales de l’évolution et de la vie.

En effet, le caractère saillant de la vie est l’adaptation aux influences externes. Tout être est essentiellement une chose qui réagit contre des forces incidentes. Pour réagir, il faut être actif, car si un être était passif, si, comme une cire molle, il pouvait prendre indifféremment toutes les formes et les garder sans les modifier, rien ne serait contraire à sa nature. Il ne peut y avoir contrariété que là où une force est contrariée, et même chez les minéraux nous sommes obligés d’admettre une force obscure de cohésion : la passivité absolue est inconcevable ; elle n’est que le néant absolu. A fortiori les êtres sont-ils actifs et c’est grâce à cette activité qu’ils peuvent s’adapter aux circonstances extérieures. De plus les actes par lesquels se manifeste cette puissance de réagir sont étroitement coordonnés et hiérarchisés ; dans les animaux inférieurs ce caractère peut échapper à observation, mais il est remarquable chez les animaux supérieurs : les mammifères, par exemple, sont des consensus, des fédérations d’organes fortement solidaires et merveilleusement propres à la défense de la vie. Cette convergence de toutes les fonctions vers une même fin constitue en l’animal une harmonie dans laquelle chaque partie travaille pour le tout, et le tout pour chaque partie.

La réaction du consensus aux excitations externes n’est pas, chez os animaux supérieurs, une simple réaction équivalente aux forces incidentes, mais une véritable explosion, c’est-à-dire un brusque transport de forces sur les points menacés, ainsi que nous le verrons : il est trop évident que les organismes capables à un moment donné d’une dépense de forces considérable ont eu de grandes chances de survie. Par suite les organismes dans lesquels tout était préparé pour un effort instantané très puissant, ont dû plus facilement échapper aux causes de destruction et subsister.

En outre, les animaux ne diffèrent pas seulement par la quantité