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SENSATION, PLAISIR ET DOULEUR


I

Le mécanisme physiologique de nos sensations semble nettement circonscrit : mais en psychologie plus que dans les autres sciences il faut se défier des caractères apparents qui sont le plus souvent des caractères superficiels. Tout paraît simple aux premiers observateurs : ils ne soupçonnent pas combien sont complexes les données des problèmes et ne savent pas que les caractères dominateurs ne se révèlent qu’après de longues et patientes recherches.

Qui ne connaît la description classique d’une sensation ? On suit pas à pas la marche du phénomène dans l’appareil spécial de la vision, on note soigneusement ses transformations, on insiste sur l’abîme infranchissable qui sépare les phénomènes psychologiques des phénomènes physiologiques et l’on s’arrête satisfait d’une analyse aussi complète. Malheureusement on s’est arrêté à la surface, et l’on omet l’élément essentiel qui constitue la sensation. On a procédé comme un chasseur qui, décrivant l’opération du tir, négligerait de parler de la poudre contenue dans l’âme du fusil et de sa force d’expansion.

La comparaison est d’autant plus juste que les phénomènes généralement regardés comme essentiels par les psychologues qui s’occupent de la sensation ne sont que l’amorce destinée à provoquer l’explosion des phénomènes cachés dont, en vérité, est faite la sensation.

Il est faux, en effet, que la sensation soit un phénomène enfermé dans les limites d’un appareil nettement localisé : il est faux qu’une sensation visuelle, par exemple, n’intéresse que le court trajet des yeux au cerveau. Toutes les parties du cerveau sont en connexion intime. Comment dès lors admettre que la conscience puisse exprimer seulement quelques régions limitées de cet organe ? Tous les faits de conscience ont pour fonds commun la cénesthésie, et sur cet