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et un système de la connaissance psychologique. Mais ces systèmes qui ne comprennent que l’expérience réelle ne peuvent pas donner une satisfaction au besoin d’unité logique de la pensée, car, arrivée aux limites de l’expérience réelle, la pensée entrevoit une expérience possible qui continue l’expérience réelle et ne peut pas être comprise dans un système différent. La pensée s’aperçoit alors que l’expérience, telle que la considère l’entendement, est pour ainsi dire fragmentaire et ne peut contenir les derniers fondements, les dernières conditions d’existence qui font l’unité des choses. Elle cherchera donc, en vertu du principe de Raison ou de condition suffisante, à dépasser l’expérience donnée et c’est ainsi qu’elle fondera la métaphysique.

Ainsi, elle s’efforcera de découvrir la première origine et la fin dernière des séries causales, elle tâchera d’atteindre dans l’espace les dernières limites et aussi les derniers éléments les parties simples de la substance matérielle, et c’est en formant des concepts de ces conditions dernières de toute causalité et de toute substantialité qu’elle donnera au système du monde objectif l’unité qui lui manquait.

Elle appliquera au monde subjectif la même méthode. Pour unifier et totaliser la connaissance de ce monde, elle dépassera l’expérience psychologique et formera une idée du principe qui fait l’unité des phénomènes intérieurs. Mais ce n’est pas tout : malgré la distinction presque radicale que l’entendement a établie entre le monde objectif et le monde subjectif, la pensée reste convaincue de l’unité fondamentale de ces deux mondes. Non seulement sa constitution logique la contraint à croire à cette unité, mais elle sait que la physique et la psychologie ont leur point de départ dans la même expérience primitive et que ces deux sciences ne sont, en somme, que deux manières de considérer un objet unique ; il y a plus, l’expérience contredit à chaque instant l’hypothèse d’une dualité du sujet pensant et de la nature, à chaque instant elle nous montre le sujet modifié par la nature, ou modifiant par son activité cette même nature. La pensée est donc conduite, non seulement par ses lois essentielles, mais encore par l’expérience, à former un système unique qui réconcilie le système des faits dits objectifs et le système des faits subjectifs.

Le rôle de la métaphysique est donc bien net. La métaphysique a pour mission de compléter la science, de lui donner l’unité, d’en faire un système qui embrasse la totalité des choses. Elle n’est pas une science nouvelle ayant un objet nouveau, c’est la physique et la psychologie ramenées à leur dernier fondement et ainsi unifiées.