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B. BOURDON. — LA CERTITUDE

perception au moins avive les images qui lui ressemblent ; ainsi la vue d’une personne nous fait souvenir que nous la connaissons. Mais nous noterons surtout que l’attention n’existe que sous la forme d’attentions diverses caractérisées chacune par une adaptation particulière : ainsi celui qui est attentif à des perceptions visuelles a une autre attitude que celui qui écoute des sons ou déguste du vin. Cette adaptation d’un sens s’accompagne en outre toujours plus ou moins d’une désadaptation des autres, d’une chute de ceux-ci au-dessous de leur tonicité normale : ainsi, quand on écoute attentivement un son, l’œil cesse de se tenir accommodé pour une distance déterminée et par conséquent ne voit plus que vaguement ce qui se trouve devant lui. De même, quand on réfléchit avec intensité, il y a désadaptation des organes des sens pour les objets voisins, et c’est ainsi qu’on peut passer dans la rue sans entendre les bruits qui s’y produisent, sans voir des personnes qu’on connaît fort bien. Ces faits sont incontestables. Il est légitime également, croyons-nous, de faire l’induction suivante : à chaque adaptation ou désadaptation musculaire particulière correspond un accroissement ou une décroissance de l’activité de régions déterminées du cerveau. De là on tire facilement la conclusion suivante : dans l’attention visuelle et en général dans tout cas d’attention, l’image sur laquelle se concentre l’attention, quoique vive, n’éveille guère d’autres images que celles qui lui ressemblent ou lui sont liées étroitement par association, parce que la force de l’excitation qu’elle tend à communiquer aux autres parties du cerveau est contre-balancée par l’affaiblissement qui résulte pour ces parties de leur état d’anémie relative, par exemple, et de la désadaptation des sens autres que celui qui actuellement fonctionne.

Nous avons maintenant à considérer les influences qui agissent sur le rattachement des images l’une à l’autre. Il est un peu artificiel de les séparer de celles que nous venons d’étudier, car le lien qui unit deux images est modifié sans doute généralement en même temps que ces images. Néanmoins on peut faire la distinction pour la clarté de l’exposition. Nous distinguerons ici deux cas, le cas où les images rattachées l’une à l’autre sont différentes et le cas où elles se ressemblent. Un exemple du premier cas est le suivant : Ce corps (perception visuelle) fait du bruit (sensation auditive). Un exemple du second est celui-ci : Cette photographie (perception visuelle) représente M. X. (perception visuelle). Il va de soi que le degré de différence et de ressemblance peut beaucoup varier : ainsi la sensation produite par un do est plus différente de celle produite par du bleu que la sensation de bleu ne l’est de celle de rouge. Mais,