kantiens et les substances des cartésiens procèdent ainsi de la même erreur que les idées réalisées des platoniciens.
Pour interpréter exactement et complètement la doctrine de M. Wundt, il paraît nécessaire de faire remarquer que cette activité subjective qu’il appelle la pensée n’est pas primitivement distincte de l’intuition immédiate. Cette activité, en effet, ne diffère pas au fond de la volonté. En effet, l’acte d’aperception par lequel la pensée s’empare, pour ainsi dire, des représentations, est souvent rapporté par M. Wundt à la volonté, au Wille. La pensée fait donc partie, elle aussi, du tout primitivement donné, auquel appartient toute réalité. C’est seulement quand elle réussit à se dégager de ce tout, à s’opposer aux représentations et à prendre ainsi conscience d’elle-même, que le sujet et l’objet sont constitués.
On voit par ce qui précède quelles sont les raisons de l’acte spontané par lequel la pensée identifie le sujet avec la volition et l’émotion, l’objet avec la représentation. Le sujet pensant, qui est par essence une activité, ramène à lui tous les éléments, pour ainsi dire actifs, de la conscience, tous les phénomènes qui lui apparaissent comme directement liés à l’exercice de son activité, tandis qu’il s’oppose les représentations, c’est-à-dire l’élément passif, donnée de la connaissance. Mais M. Wundt pense que nous avons un autre motif, plus important peut-être, pour subjectiver la volonté et objectiver la représentation : ce motif c’est l’opposition entre la constance de la volonté et l’inconstance de la représentation. La volonté, avec les émotions qui se greffent sur elle, reste la même et se sent la même au milieu du renouvellement continuel des représentations, sur lesquelles elle réagit. Elle nous apparaît ainsi comme la base permanente, immuable de notre conscience, comme le fond stable de notre être, tandis que les représentations, qui, semblables à des étincelles, brillent un instant pour s’évanouir aussitôt, nous semblent quelque chose d’extérieur, d’étranger à notre moi.
La connaissance naïve s’en tient à la distinction que nous venons de faire : mais la science et la philosophie sont forcées d’aller plus loin. Ni la science ni la philosophie ne rompent avec le bon sens naïf, mais elles ont pour tâche de préciser, de corriger, de rendre absolument satisfaisantes pour la pensée logique, les conceptions auxquelles le bon sens s’arrête sans chercher à les critiquer. Or, dès que la pensée philosophique soumet à sa critique la distinction primitive du sujet et de l’objet, elle se voit contrainte, par les lois auxquelles elle obéit, à transporter du domaine de l’objet dans celui du sujet certaines qualités de la représentation, ou même certaines représentations qui avaient été objectivées à la légère. Nous ver-