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sonnalité sociale : bien qu’elle subisse les lois de la société, sans laquelle elle ne pourrait ni se développer ni même exister, elle conserve son indépendance, sa Selbstaendigkeit, au lieu de s’évanouir dans le milieu où elle vit. Comme volonté, l’individu peut avoir des fins qui ne se confondent pas avec les fins sociales, bien qu’il ne puisse s’attacher à poursuivre ses fins et les réaliser sans y être aidé par la société et sans réagir à son tour sur le développement social. À côté de cette doctrine psychologique reparaît la théorie de la volonté centre des choses et loi du monde, déjà esquissée dans la Logique. Dans un chapitre où M. Wundt examine le problème de l’action de la volonté sur le monde extérieur, il n’hésite pas à subordonner aux lois de l’esprit les lois de la nature entière, et il va jusqu’à dire que le monde extérieur n’est, en somme, que le monde de nos intuitions et de nos concepts et qu’en ce sens, il peut être considéré comme un produit de notre activité mentale (als ein Erzeugniss unserer geistigen Thaetigkeit.) Bref, bien des passages des trois ouvrages philosophiques publiés par M. Wundt avant le System nous faisaient prévoir une métaphysique de la volonté. Cette métaphysique est bien celle, en effet, qui forme le fond de l’ouvrage que nous allons étudier.

Cette métaphysique a un caractère particulier. Son auteur ne veut pas que la métaphysique soit une simple poésie des concepts (Begynffsdichhing), il ne veut pas non plus qu’elle soit un système d’idées purement rationnelles déduites d’hypothèses a priori ; il lui assigne pour tâche de combler les lacunes de la science positive. La métaphysique ne doit donc pas différer des sciences par son objet : il lui sera interdit de quitter jamais le terrain de l’expérience pour s’élancer vers le monde des choses en soi. Elle devra se borner compléter (ergaenzen) et en même temps à unifier la science expérimentale. Déjà la science, pour mettre de l’unité au milieu de la variété des faits qu’elle étudie, construit des hypothèses, qui dépassent les faits immédiatement donnés, sans sortir pourtant des limites de l’expérience imaginable : la métaphysique pourra prendre ces hypothèses pour point de départ, elle les étendra, les complétera, s’efforcera de les réunir toutes dans un système général embrassant la totalité des choses. Mais ce système général ne devra contenir aucune idée qui ne corresponde à une représentation, sinon réelle, au moins possible.

Le System der Philosophie résume et systématise en même temps les doctrines exposées dans les précédents ouvrages de M. Wundt, et tout particulièrement dans la Logique. Puisque c’est la science qui doit conduire à la métaphysique, la première partie du