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quelles elle s’est rencontrée. Ainsi le cadran de notre montre est pour nous circulaire et non pas elliptique parce que, chaque fois que nous y regardons l’heure, nous plaçons la montre par rapport à notre œil dans une position telle que le cadran produit véritablement sur notre rétine l’impression d’une forme circulaire.

Telles sont les principales des influences avec lesquelles la sensation et la perception, en tant qu’elles peuvent contribuer à la formation de notre certitude, ont à compter. Nous allons maintenant considérer les certitudes qui se constituent par l’association d’états faibles.

III

D’abord on peut remarquer que les états faibles, les images représentatives, toutes conditions égales, restent d’autant plus vifs qu’ils ont été le résidu de perceptions primitives plus intenses. Nous pouvons retenir fort longtemps ce que nous n’avons vu qu’une seule fois, mais qui nous a frappés. L’influence de la qualité des sensations primitives est également très grande. On se souvient beaucoup plus aisément de couleurs, de formes, dosons, que de saveurs et d’odeurs. Les souvenirs sont d’autant plus vifs encore, toujours supposée d’ailleurs l’égalité des autres conditions, que le temps écoulé depuis les perceptions primitives qui les ont causés est plus court.

Nous avons déjà signalé ce fait que les images s’avivent les unes les autres. C’est ce qui explique pourquoi un homme qui réfléchit souvent sur un sujet déterminé tend à se rendre lui-même crédule sur ce sujet. On voit ainsi se développer certaines convictions chez des fous et même chez des hommes sains. C’est une vérité connue qu’à force de se répéter une chose on finit par la croire.

Une difficulté se présente à propos de l’explication précédente. D’une part, des faits très nombreux prouvent l’action exercée sur tout ou partie de notre vie mentale par les idées même relativement faibles qui se présentent à la conscience ; d’autre part, et c’est ici qu’est la difficulté, des images fortes se produisent dans l’attention et pourtant alors le champ de la conscience se trouve non pas augmenté, comme le ferait prévoir la théorie, mais rétréci. De même dans la perception attentive : nous avons ici une image intense qui, loin de mettre en éveil un grand nombre d’idées dans notre cerveau, semble au contraire étouffer toutes celles qui ne se rapportent pas à l’objet considéré, et accaparer à elle seule la conscience. Ces faits ne sont pas moins certains que les premiers ; il faut donc tâcher de les concilier. D’abord nous remarquerons que la