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B. BOURDON. — LA CERTITUDE

fois, ne pourrait, sans beaucoup d’hésitation, affirmer que tel son qu’il entend vient de tel clocher qu’il aperçoit dans le lointain. Pour savoir en effet que tel son est bien produit par tel objet, il faut, grâce à une répétition préalable, avoir appris à associer ce son avec son intensité, sa hauteur, son timbre déterminés à la vue de l'objet particulier considérée[1]. Ce qui est vrai de l’association d’images visuelles et auditives l’est également, par exemple, d’images visuelles et tactiles. L’enfant qui pour la première fois touche et regarde en même temps un objet n’éprouve sans doute pas, à moins qu’on n’admette, ce qui d’ailleurs est permis, des baisons préexistantes et déjà fortes entre certaines parties des centres visuels et tactiles, une sensation de liaison comparable à celle de l’homme qui entend un son qu’il a appris à associer à un objet particulier.

La répartition des sensations suivant un rythme peut venir en aide à la répétition pour favoriser l’association des sensations. Chacun sait comment on mettait autrefois en vers les racines grecques, afin de les mieux faire entrer dans la tête des enfants et, comment on se souvient généralement mieux des vers que de la prose.

Un phénomène fort curieux est celui qui s’observe avec une grande netteté dans le cas de la perception de formes visuelles, mais qui peut se constater aussi dans la perception de sons, couleurs, etc. Il est extrêmement rare qu’un objet circulaire, par exemple, soit aperçu par nous dans une situation telle que sa forme puisse vraiment produire sur notre rétine l’impression d’une circonférence. Et cependant, si on le fait dessiner à un enfant, celui-ci tracera sur le papier une circonférence et non, par exemple, comme le ferait celui qui aurait quelque notion des effets de la perspective, une ellipse. Ceci prouve que, dans la perception, l’image de souvenir non seulement tend à être avivée par la sensation présente, mais, dans certaines circonstances, peut acquérir une intensité supérieure à celle de cette sensation elle-même. Comment expliquer ce phénomène ? Faire intervenir ici une loi de finalité, c’est simplement donner un autre nom au phénomène, ce n’est pas l’expliquer. La véritable raison du fait, ainsi qu’on le comprendra mieux encore par la suite, ne peut être que la suivante : c’est que l’image d’une des mille formes particulières sous lesquelles un objet peut se présenter à nous, possède dans notre esprit une très grande vivacité ; et cette vivacité elle l’a acquise notamment par suite de l’intensité particulière et de la répétition fréquente des perceptions dans les-

  1. Nous ne parlons pas de la localisation immédiate par l’ouïe, à cause du peu d’importance qu’elle a, comparée aux associations secondaires qui se font entre les sons et les images visuelles.