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analyses. — w. enoch. Begriff der Wahrnehmung.

besoin de la sensation et du souvenir. Or les déterminations qu’elle impose aux sensations, nous voulons dire leur organisation, leur aperception, leur objectivation, sont des actes de l’entendement ; et si le souvenir est nécessaire à la perception, l’entendement est, de son côté, nécessaire au souvenir : il est comme le fil où se disposent en série les représentations. Il suffît, d’ailleurs, de se rappeler que la perception est une connaissance, pour en admettre le caractère intellectuel : toute connaissance est un acte de l’âme, qui, dans son fond positif, est spontanéité. D’ailleurs, la conscience, dit-on, est l’essence de l’âme ; or la conscience doit être pensée, sans quoi on ne pourrait pas en parler. Mais elle ne peut pas être objet d’intuition, puisqu’une partie de son contenu n’est pas objet d’intuition ; elle sera donc un objet pour l’entendement et, par là, le sera aussi la perception, acte de l’âme, donc fait de conscience. On peut s’enfoncer plus loin encore dans la métaphysique, et dire : l’entendement cherche ce qui est la raison de tout le reste, elle conçoit la vérité type de toute vérité, la réalité source de toute réalité. Si donc la perception est vraie, il faut qu’elle participe de la vérité conçue par l’entendement, il faut qu’elle soit une pensée. Ajoutons même que le monde et son auteur étant raisonnables, tout l’est plus ou moins, à plus forte raison la perception, une parente de l’entendement. On ne peut pas, vraiment, reprocher à M. E. d’avoir peur de la métaphysique. Avec la seconde preuve de l’intellectualité de la perception, nous redescendons du ciel sur la terre. Une perception, dit-on, est l’intuition d’un objet présent. Mais la présence d’un objet pour un sujet se marque par les excitations qu’il fait subir au sujet ; et pour que celui-ci connaisse la présence de l’objet, il doit être non seulement excitable, mais encore sensible et attentif. Or, si la sensibilité répond à la réceptivité de l’âme, l’attention répond à la spontanéité, marque distinctive de l’entendement. Ainsi toute perception, étant une spontanéité, est une pensée. C’est encore au même résultat qu’on est conduit en examinant la valeur de la perception. Les uns préfèrent la perception, parce qu’elle a pour objet le matériel, seul réel ; d’autres préfèrent la pensée, parce qu’elle est plus pure et plus belle. Mais, en réalité, chacune d’elles, comme l’a montré Kant, est indispensable à l’autre : une pensée sans intuition (donc sans perception) est vide, une intuition (donc une perception) sans pensée, est aveugle. Ainsi se trouve établie, par trois arguments très différents, l’intellectualité de la perception. On peut encore, au lieu de comparer la perception à la pensée en général, la rapprocher des diverses fonctions de la pensée, par exemple du jugement et du raisonnement. Sur le jugement, M. E. discute la théorie de M. Brentano (Psychologie empirique. Leipsick 1887). Celui-ci refuse à la représentation (que M. E. traduit par perception) le nom de connaissance ; elle n’est qu’une matière, que seul le jugement peut transformer en connaissance ; le jugement, en affirmant et niant, accorde ou refuse l’objectivité aux représentations. M. E. trouve cette théorie « absurde » ; il ne