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encore la connaissance de la loi morale. Or, les animaux, qui ne sont pas incapables de dévouement, qui témoignent même leur sympathie avec une grande vivacité, n’ont pas l’idée de l’obligation morale. « L’homme seul, dit Darwin lui-même, peut être considéré avec certitude comme un être moral. » (De la descendance de l’homme, 3e édition, p. 119.)

Les déterministes font encore deux objections : 1o Les criminels, en général, nient leur culpabilité ; « leurs dénégations tenaces, obstinées sont la meilleure preuve qu’ils n’ont pas de repentir ». (Lombroso, l’Homme criminel, p. 398. Ferri, Bulletin de la Société des prisons pour 1886, p. 27.) 2o Le remords qu’ils expriment n’est pas sincère ; il est inspiré par la peur du châtiment et le désir d’apitoyer le juge.

Les dénégations des accusés s’expliquent très simplement par le désir de se soustraire à la peine. D’ailleurs, même en Italie où les dénégations des accusés sont beaucoup plus fréquentes qu’en France, on voit des accusés qui font des aveux ; M. Ferri le reconnaît. Mais alors ne pouvant plus chercher dans des dénégations la preuve de l’absence de remords, MM. Lombroso et Ferri trouvent dans les aveux des accusés une preuve de leur insensibilité morale. (Actes du congrès de Roma, p. 120 ; l’Homme criminel, p. 397.) Si l’accusé nié le fait qui lui est reproché, pour échapper à la peine, il est atteint d’une insensibilité morale, résultat de son insensibilité physique ; il est comme le sauvage, qui ne connaît pas le remords. (L’Homme criminel, p. 413.) Si, au contraire, l’accusé fait des aveux, il montre par là qu’il n’a aucune répugnance à parler des crimes qu’il a commis ; il manque de sens moral. Ne sont-ce pas là des reproches contradictoires ? Sans doute, tous les aveux ne prouvent pas le repentir ; souvent l’accusé n’avoue le crime qui lui est reproché, que parce que toute dénégation est insoutenable devant les preuves de sa culpabilité, ou parce qu’il veut obtenir les circonstances atténuantes. Mais il est des cas, où les aveux sont faits, lorsque la culpabilité n’est pas démontrée. Les accusés disent alors qu’ils sentent le besoin de décharger leur conscience de quelque chose qui leur pèse. Dans le cours d’une instruction dirigée contre une femme qui avait empoisonné son mari, l’accusée disait au juge : « Je veux faire connaître la vérité tout entière ; je sais que je vais m’enfoncer davantage, mais je ne veux pas paraître devant mes juges avec un mensonge… Mon crime est aussi grand que possible. J’ai tué mon pauvre mari qui jamais n’avait eu pour moi-même des paroles sévères. Aussi suis-je prête au châtiment qui m’attend ; quel qu’il soit, je l’ai mérité. » Dans le mémoire d’un accusé jugé en mai dernier par la cour d’assises des