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LA RESPONSABILITÉ MORALE DES CRIMINELS


Il n’y a pas en philosophie de question plus obscure, plus controversée, que celle du libre arbitre. Il n’y a pas en législation de question plus claire et moins discutée. Pendant que les théologiens et les savants s’efforcent péniblement de concilier la liberté humaine avec la prescience divine et le déterminisme de la nature, et que plusieurs, vaincus par les difficultés du problème, aboutissent les uns à la prédestination et les autres au déterminisme scientifique, tous les législateurs, aussi bien chez les peuples anciens que chez les peuples modernes, admettent comme un fait indiscutable, comme une vérité évidente, le libre arbitre et font dépendre la responsabilité pénale de la responsabilité morale. Aux termes de l’article 64 du Code pénal, la loi française ne punit l’auteur d’un crime que lorsqu’il a agi sciemment et librement ; les magistrats et les jurés ne le condamnent que s’il est moralement responsable de l’acte qu’il a commis. Le crime ne lui est imputable que s’il l’a accompli librement. Il n’y a ni crime ni délit, lorsque le prévenu a subi une contrainte, à laquelle il n’a pu résister. Et ce n’est pas seulement la contrainte matérielle, qui produit l’irresponsabilité, comme l’a cru à tort M. le Dr Dally (Annales médico-psychologiques, 1880, p. 102) ; la contrainte morale est aussi une cause d’irresponsabilité. Ainsi, par exemple, est considéré comme contraint par une force à laquelle il n’a pu résister, et par suite déclaré irresponsable, celui qui, sous l’impression de menaces de mort, dominé par la terreur, a fait ce qu’il n’eût pas fait de son libre arbitre. Il n’est pas exact de dire, comme le fait d’Holbach (Système de la nature, t.  I, p. 225), que l’imputation peut avoir lieu, même quand l’action est celle d’un agent nécessité, « qu’imputer une action à quelqu’un c’est la lui attribuer, c’est l’en reconnaître l’auteur ». Celui qui, sous l’empire de la terreur que lui causent des menaces de mort, commet un acte délictueux n’est pas, ne