si la fin devait se trouver dans un fait réalisé. Le dernier fait resterait toujours sans but, et au point de vue de la finalité la série serait rattachée à quelque chose d’insaisissable. Mais remarquons qu’une fin, c’est un fait à venir et non un fait venu, un but qui se réalisera, mais qui n’est pas et ne doit pas être encore réalisé. Et ce but, ce fait à venir, est garanti pour tout fait actuel, en d’autres termes il ne saurait y avoir de fait absolument dernier, en vertu même de la loi d’infinité que l’on nous a opposée dans cette discussion et qui est bien en effet l’expression nécessaire du développement de la conscience. Si les termes cessent d’être donnés, la pensée les forme en concevant de purs possibles, mais elle va toujours de l’avant, et de la sorte il y a toujours une fin comme il y a toujours une cause. La considération de l’individuel ne laisse donc en aucune manière la pensée dans le vide, et nous pouvons maintenir notre thèse que le problème de l’ensemble est résolu par celui du détail. Ainsi disparaît pour la science phénoménale une difficulté tenue pour insurmontable par certains partisans de la métaphysique.
Dirons-nous un mot d’une théorie, plus hardie que toutes les autres, que nous rencontrons à la fin de cette discussion ? Nous entendons celle qui déclare impossible sans la métaphysique, non seulement d’expliquer l’existence des choses, mais encore de la prouver. « Nous accordons à l’empirisme, dit M. Lachelier, qu’il n’y a en nous, en dernière analyse, que des sensations et des perceptions : nous remarquons seulement avec le sens commun que ces sensations existent, que ces perceptions sont vraies, et ne sont point un rêve. Nous ajoutons que cette vérité a besoin d’être prouvée, et ne peut l’être à priori ; qu’elle ne peut être, en effet, que la conformité des choses à une idée, ou plutôt l’action et, pour ainsi dire, la vie d’une idée, qui pénètre les choses et se manifeste en elles. » M. Lachelier enseigne encore que cette idée est la pensée absolue, et qu’on ne saurait comprendre son rôle sans passer en pleine métaphysique. — En vérité, même en y passant, nous ne réussissons pas à le comprendre. Mais laissons de côté les difficultés nombreuses, que soulève cette théorie, et bornons-nous à répondre que l’existence des sensations et des perceptions, disons plus généralement des phénomènes, n’a, à aucun degré, besoin d’être prouvée. D’abord, il va sans dire qu’il serait, non seulement impossible, mais en quelque sorte contradictoire, de la mettre sérieusement en doute, si l’on ne veut parler que de l’existence dans la conscience. Cela équivaudrait à penser que peut-être on ne pense pas ces phénomènes, et cela même ce serait encore les penser, ce serait les saisir dans la conscience. C’est donc une autre existence qu’on entend,