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J. -J. GOURD.un vieil argument

fins immédiates comme celles dont nous avons parlé ; elles ne sont intellectuelles que parce qu’elles correspondent à des antécédents intellectuels ; en somme, elles ne nous conduisent point à une conception différente de la finalité. Il s’agit donc d’autre chose. On voudrait attribuer aux faits une fin intellectuelle, alors qu’ils ne seraient pas eux-mêmes pour cette fin des antécédents intellectuels. Par conséquent, indépendamment de la détermination immédiate de chacun d’eux, on proposerait une détermination d’ordre toujours intellectuel qui remonterait à une volonté universelle. Et il va sans dire qu’avec une telle conception de la finalité, nous devrions dépasser la science phénoménale. Cette volonté universelle, cette détermination intellectuelle distincte de la détermination immédiate de chaque fait ne se rencontrent pas dans le monde de l’expérience. Il faudrait les chercher soit dans le Dieu personnel des métaphysiques théistes, soit dans la puissance inconsciente bien que rationnelle de certaines métaphysiques panthéistes, mais toujours dans un principe ultra-phénoménal. Seulement, ajoutons aussitôt que nous n’en avons pas besoin. Théoriquement, cette conception de la finalité n’est point nécessaire. La pensée, bien consultée, ne la réclame point. Pourvu que rien ne soit pour rien, notre intelligence se déclare satisfaite. Il n’y a point de loi d’après laquelle la pensée remonterait invinciblement à un arrangement préconçu de tous les phénomènes et distinct de ceux-ci dans son origine. Nous craindrions même que cet arrangement ne pût s’accorder avec la détermination immédiate à laquelle la science ne saurait renoncer. Il serait bien étonnant, en effet, qu’elles n’entrassent pas quelquefois en conflit, et que la détermination métaphysique ne fût donnée dans tel ou tel cas comme la seule véritable, par opposition à l’autre. Mais admettons qu’il n’y eût pas conflit, la détermination métaphysique serait en tout cas inutile.

Vous concluez trop vite, répliquera-t-on sans doute, il n’y a point de nécessité à priori d’invoquer la détermination métaphysique ; mais au moins est-on obligé d’y recourir quand on a constaté l’insuffisance de l’autre détermination. Or cette insuffisance est manifeste. La détermination immédiate explique bien ce qu’elle explique, mais elle n’explique pas tout. Qu’est-ce donc qui reste en dehors de ses prises ? Ce ne sont peut-être pas des faits, mais en tout cas les combinaisons des causes appelées à les produire. « Étant données un certain nombre de causes qui agissent ensemble, a écrit M. Janet, il faut qu’elles produisent un certain effet, et il n’est nullement étonnant qu’elles soient appropriées à cet effet ; mais cet effet, en tant qu’il n’est qu’une résultante, ne peut être qu’un effet quelconque, n’ayant aucun rapport avec l’intérêt de l’être qui en est le