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A. FOUILLÉE.l’évolutionnisme des idées-forces

actions ont leurs résultats physiques, en même temps que leurs concomitants subjectifs. Eh bien, voici la question : ces résultats physiques sont-ils moindres qu’ils ne seraient s’il n’y avait aucun côté mental ? « En d’autres termes, la conscience et les faits de conscience coûtent-ils quelque chose, physiquement parlant, et dépensent-ils de la force ? Nous pouvons concevoir un moyen de soumettre la chose au contrôle de l’expérimentation, mais probablement les procédés de recherche les plus avancés ne peuvent encore surmonter les difficultés de la question. » Le problème que Bain pose ainsi peut être éclairé par le cas de la lumière, considérée comme l’une des forces en corrélation dans la nature : tandis que l’énergie mécanique, la chaleur et la force chimique ont obtenu des équivalents numériques déterminés, on n’a encore établi rien de semblable pour la lumière. « Nous pouvons convertir, dit Thomas Graham, un poids de charbon en acide carbonique dans l’obscurité parfaite, et nous savons la quantité précise de chaleur engendrée ; nous pouvons brûler le même poids de charbon de manière à produire une grande quantité de lumière ; estimez la lumière en bougies ou de toute autre façon, mesurez aussi la chaleur dégagée en même temps que la lumière ; soustrayez la quantité de lumière de la quantité de chaleur de l’autre morceau de charbon, qui n’a donné aucune lumière ; la différence serait l’équivalent de la lumière. Quoique cette opération n’ait pas été actuellement accomplie, elle est manifestement du domaine de nos ressources expérimentales et ne sera probablement pas longtemps différée. » Le cas de la force nerveuse dans son rapport avec les faits subjectifs est jusqu’ici semblable : nous avons des actions nerveuses sans subjectivité apparente pour nous, non saisies par notre conscience, par exemple les actions qui président à la digestion ; et il y a au contraire d’autres actions avec subjectivité et conscience. Dans les deux classes de faits il y a une dépense de force, avec des résultats physiques. Ceci posé, il faudrait observer si, dans le cas où la sensibilité et la conscience accompagnent le phénomène, les résultats physiques ne demeurent pas toujours le plein équivalent physique des forces dépensées. Le problème est ainsi tout à fait intelligible, mais personne, dit Bain, ne peut « même deviner la réponse expérimentale ». En somme, cela revient à la question : — Les phénomènes objectifs dont un animal est le théâtre auraient-ils été les mêmes sans le côté subjectif ? — Des savants d’Edimbourg, Dewar et Mac Kendrick, voulant vérifier la loi de Weber, ont trouvé, par des expériences sur l’œil, que la sensation est proportionnelle à l’intensité du courant nerveux transmis au cerveau, car le courant nerveux est propor-