Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/34

Cette page n’a pas encore été corrigée
24
revue philosophique

refuser le caractère de richesse ou de bien économique aux services des capitaux comme ceux d’une machine ou d’une maison, services qui s’achètent et se vendent, bien qu’ils ne soient pas matériels ?

Ennemi de tout pédantisme, M. Gide fait assez bon marché des définitions, et toutefois propose les siennes : il désigne sous le nom de travaux productifs ceux qui ont pour résultat direct ou indirect d’accroître le stock des richesses existantes[1], ce qui fait entrer dans cette catégorie la composition des idylles[2], mais ce qui exclut les services de l’avocat et du médecin[3]. Écartant le point de vue individuel, il ne considère comme capitaux que les objets servant à accroître la quantité des richesses qui existent dans un pays. Ces déterminations seront approuvées par ceux qui voient dans la richesse des nations abstraitement considérée l’objet exclusif de l’économie politique, ce qui est conforme au sens grammatical du terme accepté par le savant professeur pour désigner la science dont il s’occupe ; mais nous ne les accordons pas aussi bien avec la définition de cette science qu’il donne lui-même, non plus qu’avec la manière large dont il aborde les problèmes de la distribution, où l’économique ne fait qu’un tout dans sa pensée avec la morale et le droit rationnel. Lorsqu’on s’occupe de la richesse dans sa généralité, il faut bien un mot qui désigne les objets employés par l’individu pour acquérir, et considérer comme capitaux, puisqu’un autre vocable n’existe pas, toutes les marchandises possibles et jusqu’aux bijoux de sa femme s’ils servent de gage pour emprunter de quoi travailler… ou spéculer. Il est certain qu’on ferait un double emploi ridicule en comptant au nombre des richesses nationales d’abord les chemins de fer, puis les actions et les obligations des chemins de fer ; mais il n’est pas moins certain que je ne représenterai pas fidèlement l’état économique d’un pays, si je fais abstraction des rapports d’intérêt qui enchaînent les fortunes privées l’une à l’autre et qui les rattachent au domaine public. C’est ainsi que nous trouverions une âme de vérité jusque dans les paradoxes de M. Mac Leod.

Les dissentiments de pure forme auxquels vient d’aboutir le compte rendu épisodique d’un livre précieux pour l’économiste et doublement précieux pour qui ne l’est pas, cette divergence sur la notion de richesse immatérielle tient à la manière de concevoir l’écono-

    économique de ne pas s’en occuper. M. Turgeon en convient lui-même et confesse avec une aimable franchise qu’il s’est échauffé, au long de cinquante pages, sur une pure question de mots.

  1. P. 123.
  2. P. 124.
  3. P. 127. note.