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vues, par le Congrès international d’hypnotisme qui s’est tenu à Paris, en août 1889 ; j’ai été seul à voter contre les conclusions du rapport présenté par M. le Dr Ladame, tendant à interdire les représentations publiques d’hypnotisme. Il m’a paru singulier et contradictoire, quand on reconnaît que les phénomènes hypnotiques peuvent être la cause de certains dangers, de mettre la lumière sous le boisseau, de chercher à faire le silence autour de faits que des milliers de personnes connaissent aujourd’hui, enfin de réserver le monopole d’une science nouvelle au corps médical, qui, pendant près d’un siècle, en avait nié l’existence. Je suis de ceux qui pensent que, quand des récifs se trouvent à l’entrée ou aux abords d’un port, il vaut mieux les éclairer et les signaler aux navigateurs que de les laisser dans l’obscurité.

À l’occasion de la polémique par lui soutenue en Belgique, M. D. avait eu l’occasion de s’appuyer des opinions professées par l’École de Nancy, contrairement aux doctrines de la Salpètrière. Il voulut voir par ses yeux, comme il avait fait pour Paris, et un beau jour il vint nous visiter, MM. Liébeault, Bernheim et moi. C’est le récit de ce voyage et des impressions qu’il en a rapportées qui fait l’objet principal de l’importante brochure[1] dont nous essayons de donner une idée aux lecteurs de la Revue.

M. D. a laissé à Nancy la plus favorable impression. Ceux qui l’ont approché n’ont pu qu’admirer l’étendue et la profondeur de son savoir, l’étonnante activité de son esprit, la bonne humeur et la gaîté communicative de sa parole, et la qualité, très rare d’ailleurs, qu’il possède au suprême degré, de brûler ce qu’il avait adoré la veille, et, quand il a reconnu l’erreur d’une théorie scientifique, de s’en faire aussitôt l’adversaire le plus redoutable. Le tout est de lui montrer l’erreur de la théorie, et avec un contradicteur de sa taille, ce n’est pas, on le conçoit, chose facile. Ces qualités de M. D. nous ont séduits, mes amis et moi, et personnellement j’ai noué avec le savant professeur de Liège des relations dans lesquelles, au milieu de divergences de vues assez profondes, j’ai toujours trouvé autant de plaisir que de profit.

M. D. ne se borne pas à exposer, parfois à discuter les doctrines de l’Ecole de Nancy, il fait aussi le portrait de MM. Liébeault, Bernheim et de celui qui écrit ces lignes. Ce dernier ne peut que trouver trop obligeantes les appréciations dont il a usé à son endroit et l’en remercier cordialement. Mais c’est surtout M. Liébeault qu’il a peint en quelques touches vives et rapides, qui montrent un peintre exercé. À part un passage que nous eussions préféré lui voir effacer, sur « des rides horizontales coupées par d’autres rides », etc., il n’y a qu’à louer dans ce croquis du savant modeste qui a si magistralement développé la doctrine de la suggestion : « œil brillant et animé ; parole sonore et

  1. Cette brochure ne comprend pas moins de 128 p.. gr. in-8o. On y trouvera, en appendice, l’article publié par M. Delbœuf sur Louise Lateau, dans le Journal de Liège du 22 décembre 1869.