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J. Delbœuf. Le magnétisme animal. À propos d’une visite à l’École de Nancy. Paris, Félix Alcan, 1889.

En 1850, M. Delbœuf venait d’entrer à l’Université, lorsqu’il lui tomba sous la main un petit livre traitant du magnétisme animal. Intéressé par cette lecture, mais se défiant un peu des résultats annoncés, il voulut lire les deux seuls ouvrages que possédât alors la bibliothèque de Liège sur la question : le Traité du somnambulisme d’Alexandre Bertrand (1828) et l’Histoire académique du magnétisme animal (1841) du Dr Dubois (d’Amiens). « À moitié converti par le premier ouvrage, dit-il, je fus bien près de l’être tout à fait par le second, tant son auteur mettait de passion et de mauvaise foi à dénaturer les faits et à dénigrer les magnétiseurs. Son livre n’est qu’un long développement de ce dilemme : dupes ou fripons. »

Depuis lors, M. D. s’était tenu au courant des publications concernant le magnétisme. C’est ce qui l’avait enhardi, dès le 22 décembre 1869, à expliquer par l’auto-suggestion, dans un article du Journal de Liège, les phénomènes présentés par la célèbre stigmatisée belge Louise Lateau.

Notre auteur fut donc vivement intéressé, quand il put lire dans la Revue de nombreux articles sur le magnétisme publiés par M. Charcot ou par ses élèves. Il les lut « avec avidité, étonnement et confiance ». Mais le doute entra dans son esprit le jour où MM. Féré et Binet publièrent leur fameuse découverte du transfert par l’aimant. Un beau matin, n’y tenant plus, il voulut voir. Le voilà en route pour Paris, réfléchissant pendant tout le trajet aux expériences à faire et aux précautions à prendre pour ne pas s’égarer. Le jour même de son arrivée, il voyait M. Ribot, qui le présentait à M. Binet, qui, le surlendemain, le présentait à M. Charcot. La Salpêtrière lui fut ouverte.

« Là, dit-il, je fus témoin des fameux trois états, léthargie, catalepsie, somnambulisme ; là, je vis les états dimidiés et les stupéfiants états composés ; là, on me montra en action l’hyperesthésie neuromusculaire ; là enfin, on me fit assister aux expériences sur le transfert. Mais quand je vis comment on faisait ces dernières expériences ; quand je vis qu’on négligeait des précautions élémentaires, par exemple, de ne pas parler devant les sujets, qu’on annonçait tout haut ce qui allait se produire, qu’au lieu d’opérer avec un électroaimant actionné à l’insu du sujet et de l’expérimentateur, celui-ci se contentait de tirer de sa poche un lourd fer à cheval ; quand je vis qu’il n’y avait pas même de machine électrique dans le laboratoire, je fus assailli de défiances, qui insensiblement minèrent ma foi dans tout le reste (p. 7). »

Ne retenons de ces déclarations de M. D. que ce qui concerne l’imprudence avec laquelle (j’en ai été moi-même témoin, dans l’un des grands hôpitaux de Paris, que je ne veux pas nommer) on annonçait tout haut, devant les sujets mis en expérience, ce qui allait se produire. C’est là une faute de grande conséquence, car contrairement à ce que