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le maximum de subsistance ; et, sans admettre l’impossibilité d’arriver à ce résultat d’une autre manière, il avoue qu’un rachat équitable se heurterait à des difficultés financières insurmontables. Tout ce chapitre[1] nous paraît excellent, mais il laisse intacte la question de savoir si ceux auxquels l’appropriation enlève l’instrument de travail fourni par la nature, et qui ne peuvent subsister nulle part sans en acheter de quelqu’un la permission, ne se trouvent pas de ce chef créanciers de la société.

La présence indispensable pour le progrès économique et pour la civilisation d’une classe d’hommes dispensée de gagner son entretien, l’utilité de l’inégalité des fortunes, la fonction spéciale du capitaliste, la nécessité que cette fonction soit honorée et convenablement rémunérée sont mises en lumière avec une équitable simplicité dans cet ouvrage, dont l’auteur nous semble avoir développé ailleurs les mêmes pensées avec plus d’énergie et de relief.

Le chapitre sur la nature et la fonction de la monnaie, sujet plus important qu’attrayant pour un lecteur étranger aux affaires, nous a paru d’une singulière lucidité, notamment en ce qui concerne la question si passionnément agitée du simple ou du double étalon. On se demande pourtant si l’auteur ne se laisse pas mener quelquefois un peu loin par la logique : le jour où « l’or et l’argent seront rayés du nombre des richesses »[2] n’est peut-être pas beaucoup plus rapproché que ne le paraît à l’auteur lui-même le jour où la chimie synthétique aura trouvé le moyen de « constituer des produits alimentaires sans le concours des forces mystérieuses de la vie »[3].

L’association coopérative de consommation et de production, la participation des ouvriers aux bénéfices des entreprises sont l’objet d’une étude sympathique et sérieuse, mais très sobre, et mieux proportionnée au rôle effacé de ces combinaisons dans le présent qu’à leur place dans les préoccupations et dans la vie d’un de leurs fauteurs les plus habiles, les plus dévoués et les plus heureux.

Nous sommes en communion d’esprit trop complète avec l’éminent professeur de Montpellier dans presque toutes ses conclusions pratiques pour insister sur ces points, qui ne pouvaient guère être mis en saillie dans un livre de pure science. On trouverait moyen, si c’était le lieu, de relever quelques distractions, de contester à quelques arguments leur valeur probante ou de signaler encore une ou deux saillies d’une imagination téméraire, comme cette idée que le

  1. P. 478-504.
  2. p. 255.
  3. P. 354, note.