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G. SEGRÉTAN. — L’ÉCONOMIQUE ET LA PHILOSOPHIE

liberté ? Sont-ils compatibles avec la même liberté chez les autres hommes ? C’est ainsi que le problème nous semble se poser devant une raison impartiale, et notre conviction s’affermit toujours plus, à mesure que nous observons les efforts tentés pour le déplacer et pour l’obscurcir.

L’économique, la morale et le droit auraient chacun leur mot à dire dans la solution pratique des questions concernant les biens ; l’art serait de les concilier. À cet effet, il faudrait classer leurs titres, établir leur hiérarchie, et tout d’abord distinguer nettement l’objet de chacune d’elles, tandis qu’on aurait grand’peine à les harmoniser si l’on commençait par les confondre. Nous avons déjà reproché son indifférence pour la distinction et la définition des branches de l’éthique à l’un des maîtres les plus en vue du nouvel enseignement ; il serait inutile d’insister sur une indifférence plus apparente que réelle ; mais nous dirons ici quelques mots de l’ouvrage qui nous a suggéré les réflexions précédentes.

Quoiqu’ils se recommandent fort bien eux-mêmes, les Principes d’économie politique ne perdent rien à être signés par l’éloquent apôtre et le vaillant ministre de la coopération, directeur de la Revue d’économie politique, autour de laquelle il a su grouper les professeurs des Facultés de droit et nombre d’économistes étrangers. Cet l’ouvrage forme un volume très compact de 640 pages, où naturellement les principes ne vont pas sans leurs applications ; c’est un véritable traité d’économique, sinon complet, du moins très suffisant pour les profanes, qui le liront avec grand plaisir. Si nous ne craignions pas de lui nuire par l’austérité qui court en ajoutant qu’il est bien écrit, nous dirions qu’il est fort bien écrit, d’une encre limpide, et sans trace d’amplification. Après avoir critiqué les divisions consacrées et suggéré des plans nouveaux, l’auteur se range au plan traditionnel, en l’élargissant toutefois par l’adjonction d’un premier livre sur la valeur. Inutile de discuter des projets d’innovations sur lesquelles l’auteur n’insiste pas.

M. Gide se rattache aux principes de la propriété privée et de la libre concurrence, mais il traite ces matières avec une parfaite liberté d’esprit. Écartant sans effort le sophisme qui n’attribue d’autre valeur à la terre que celle du travail qu’elle incorpore, il en déduit la rente de trois caractères qu’aucune autre richesse ne présente au même degré : « I, celui de répondre aux besoins essentiels et permanents de l’espèce humaine ; II, d’être en quantité limitée, et III, de durer éternellement ».

Il trouve la justification de la propriété foncière, qui, selon lui, devrait en principe être collective, dans la nécessité de retirer du sol