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au calcul différentiel, quelle ascension !… ou quelle chute ! On se confesse d’avoir soupçonné que les économistes qui lisent l’algèbre comme leur journal trouveraient du bon au nouveau système, et que ceux qui n’entendent rien auraient mille raisons excellentes pour le repousser. C’était un jugement téméraire ; on connaît des apprentis économistes qui donneraient gros pour déchiffrer les équations où M. Walras établit les lois de l’échange, puis déduit des lois de l’échange les lois de la production, enfin de celles-ci les lois de la capitalisation et le taux du revenu, représentant ainsi l’ensemble de la richesse en marquant le rapport des éléments qui la constituent. D’autre part, on tient de bonne source que tel économiste qui pourrait parler la langue de l’algèbre préfère s’en tenir à celle du journal.

IX

C’est entre toutes ces écoles, toutes ces tendances que les professeurs d’Économique institués depuis quelques années dans les facultés de droit sont appelés à trouver leur voie. Chacun d’eux, sans doute, choisira la sienne, quelques-uns peut-être tenteront d’en frayer une nouvelle. Ce qui paraît certain, c’est qu’ils ne bornent pas leur rôle à réfuter le socialisme et à glorifier l’état présent avec les arguments en usage depuis 1848. Une telle scolastique enchaînée à des dogmes arrêtés d’avance ne leur paraît pas compatible avec la dignité de l’enseignement supérieur. Étudier sans parti pris les systèmes individualistes et socialistes, rechercher l’influence des diverses formes de propriété particulière et collective sur la conservation et sur l’accroissement de la richesse, serait la tâche de l’économiste en sa propre qualité sur ce grand sujet, pour qui il faudrait résoudre les questions pratiques, étudier également sous le point de vue du droit naturel, en scrutant les bases juridiques de l’appropriation tant des objets consommables que des capitaux et des fonds de terre ; investigation qui n’aboutirait peut-être pas à des résultats identiques pour les différentes classes de biens. Cette dernière étude serait impossible, on le comprend, sans une notion préalable de la justice reposant sur un principe évident et déterminé. Pour des raisons qu’il serait superflu de déduire ici, nous proposons la liberté, de sorte que la question de droit prendrait cette forme : tel mode d’appropriation, tel genre de propriété sont-ils des conséquences de la liberté de l’individu, des corollaires de son devoir sur lui-même ? Sont-ils favorables au développement de cette