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II. Lien des faits mentaux et des faits physiques dans l’hypothèse du double aspect. — Le lien des faits mentaux non plus entre eux, mais avec les faits physiques, ne demeure pas moins indéterminable et inexplicable dans la théorie des deux aspects. Que signifie d’abord ce terme d’aspect ? II n’est, comme le terme de reflet, qu’une simple métaphore susceptible des sens les plus divers. Bain nous dit qu’il emploie ce terme pour exprimer l’union du physique et du mental sans localiser ce qui n’a pas d’extension. « Si, dit-il, j’avais deux choses étendues à joindre, je pourrais aisément exprimer leur fonction en termes de situation locale : l’une à côté de l’autre, l’une sur l’autre, l’une dans l’autre, etc. Mais, quand l’une des choses est sans étendue, l’union doit être exprimée en termes plus réservés. Je décris la transition de l’aspect objectif au subjectif comme quelque chose d’analogue à ce qui a lieu quand nous passons de l’acte de regarder le firmament au sentiment du froid ; c’est un changement d’état, pour emprunter une expression à certaine école de théologiens qui parle des cieux de la même manière. »

Voilà, il faut en convenir, une explication assez mystique. Le théologien bouddhiste ou chrétien, quand il passe du temporel à l’intemporel, se retourne pour ainsi dire tout entier, change son état mental, voit l’existence sous-un aspect tout nouveau, « sous l’aspect de l’éternité ». Est-ce bien ainsi que nous passons du physique au mental, comme nous passerions du phénomène connaissable à l’inconnaissable noumène ? — Ce qui est ici directement connaissable, c’est précisément le mental, qu’on nomme un aspect ; pour connaître le matériel, nous sommes obligés ou de nous mettre de côté tout entiers par la pensée (et alors que sera le résidu ?), ou de prêter au dehors quelque chose de ce que nous trouvons dans le prétendu « aspect » intérieur.

Bain, sentant le vague de cette théorie, s’est efforcé de trouver une formule plus scientifique. Chez l’animal et chez l’homme, les actions mutuelles du physique et du mental sont, dit-il, des « séquences » où le mental et le physique sont toujours « accouplés à la fois dans l’antécédent et dans le conséquent », de manière à former un développement de deux séries parallèles. On dit que la frayeur, par exemple, déprime et dérange les fonctions corporelles ; mais le fait antécédent n’est pas, en quelque sorte, un morceau de conscience pure et sans corps, une frayeur toute psychique : c’est un état de conscience incorporé dans une série de modifications nerveuses. « Il y a donc une causation à double aspect : du mental-physique donnant naissance à du mental-physique. »

Objecte-t-on à Bain qu’un trait d’union (mental-physique) n’est