Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
237
ROBERTY.l’évolution de la philosophie

Sans parler de l’histoire qui est une méthode commune à tous les genres intellectuels et qui, par conséquent, ne saurait être présentée comme une forme particulière du développement mental de l’humanité, il y aurait certainement tout profit à simplifier et réduire encore davantage la série indiquée plus haut.

Cette réduction n’est pas impossible. Nous avons, pour notre part, essayé de prouver l’identité parfaite de la religion et de la métaphysique, et nous avons ainsi ramené la série intellectuelle aux trois termes : Philosophie, Science, Art. Enfin, une étude sociologique des rapports qui ont existé entre ces grandes espèces de faits intellectuels nous a conduit à reconnaître que l’évolution allait constamment de la science à la philosophie, et non de la philosophie à la science.

Quant à la précédence apparente de la philosophie, elle s’explique d’une façon d’autant plus satisfaisante, que le même phénomène s’est déjà produit dans la série des sciences particulières, et qu’il y a reçu une interprétation analogue. On sait, en effet, que les disciplines dites morales et politiques ont devancé de plusieurs siècles la constitution de la chimie et de la biologie. Personne pourtant n’en conclut que la sociologie a été l’antécédent historique de ces deux dernières sciences ou qu’elle en a préparé l’apparition. Le même fait s’est répété à l’égard de la pseudo-philosophie qui a précédé le savoir scientifiquement organisé. Ce qui a toujours et exclusivement dominé dans cette évolution de l’indéterminé philosophique au déterminé scientifique, c’est la corrélation constante entre l’état du savoir spécial et l’état du savoir général, c’est le rapport qu’on peut, pour éviter jusqu’à l’ombre d’un malentendu, exprimer encore en ces termes : corrélation entre le degré de différenciation du savoir et le degré de son intégration.

Mais arrêtons-nous encore un peu à la conception qui voit dans la science « une forme de la connaissance n’apparaissant que comme le fruit tardif d’une civilisation avancée, après la poésie, après les arts, après les compositions historiques, morales et philosophiques ». Elle peut invoquer à son appui, qu’au fur et à mesure des progrès du savoir, le corps de doctrine appelé philosophie, s’est désagrégé ; qu’il a sensiblement restreint ses limites ; qu’il tend, enfin, de plus en plus, à confondre son objet avec celui des sciences non constituées, telles que la psychologie et la sociologie. Tout cela est vrai et exactement rapporté. L’idéalisme fut le premier à se jeter dans les bras de la psychologie ; le sensualisme qui, entre temps, s’était transformé en criticisme, le suivit de près dans cette voie ; le matérialisme, enfin, sous l’action des mêmes causes, se métamor-