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Alfred Fouillée. La philosophie de Platon, deuxième édition, revue et très augmentée, 4 vol.  in-18 (Hachette). Tome I. Théorie des Idées et de l’amour ; t.  II, Esthétique, morale et religion platoniciennes ; t.  III, Histoire du platonisme et de ses rapports avec le christianisme ; t.  IV, Essais de philosophie platonicienne.

M. Fouillée maintient et confirme par de nouvelles preuves son interprétation première du platonisme. Les interprètes les plus récents de Platon, principalement Zeller, Teichmüller et Chiappelli, ont beaucoup discuté pour savoir si le platonisme était un monisme panthéiste ou un spiritualisme admettant une distinction »substantielle entre le monde et Dieu. En d’autres termes, les Idées sont-elles immanentes ou transcendantes ? — M. Fouillée croit que, devant ce dilemme, Platon aurait fait ce qu’il fait le plus souvent : il eût accepté les deux thèses et, selon son expression, « pris les deux à la fois », en distinguant les points de vue. Il est certain que, si quelqu’un a compris, après Parménide, la nécessité d’une unité fondamentale et radicale à laquelle tout se rattache, c’est l’auteur du Parménide et de la République. Il a admis que l’unité « supérieure à l’intelligence et à l’essence » fait notre être et l’être du monde ; qu’elle est en nous et nous en elle ; que, si elle était vraiment différente de nous par le fond même de son être, elle constituerait avec nous une « dualité » au-dessus de laquelle la dialectique « élèverait aussitôt une unité supérieure », et c’est cette unité qui serait la vraie, la dernière, la seule une et universelle. En ce sens, Platon est rnoniste et prépare les néo-platoniciens d’Alexandrie. Mais, d’autre part, il a toujours soutenu que l’unité primitive enveloppait et fondait une réelle multiplicité, que les racines du multiple dans l’un étaient les formes éternelles ou Idées, et que le lien des Idées, leur unité, était la réalité parfaite, achevée, accomplie, en un mot le Bien. Or le Bien n’est pas pour Platon le monde même, tel que nous le voyons, la région du devenir et de la génération. À ce point de vue, il refuse de confondre Dieu avec le monde, le Dieu générateur avec le « Dieu engendré ». Les deux thèses sont donc vraies à la fois pour l’auteur du Parménide. Dieu est « identique au monde et différent du monde, ni identique, ni différent ». Il fait un avec le monde et il fait deux. Il fait un dans l’unité d’où tout sort et où tout revient ; il fait deux sous le rapport des perfections et formes du bien, des Idées ; car les Idées reposent éternellement dans le Bien-Un, tandis que dans le monde elles sont à l’état de devenir.

Les Idées mêmes sont-elles immanentes au monde ou transcendantes ? — Ici encore, selon M. Fouillée, les deux thèses sont vraies à la fois pour Platon. Les Idées ne peuvent pas être absolument séparées du monde et de notre pensée, χωρίς ; car alors, Platon l’a montré lui-même dans le Parménide, nous ne pourrions les penser et elles n’auraient aucune influence sur les choses : elles ne seraient pas « causes exemplaires ». De plus, dit Platon, l’Être même qui possède « la science en soi » ne pourrait « connaître ce qui est en nous »,