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exclusif, mais seulement dans les termes, car, il doit très probablement admettre que l’attention volontaire du sujet, dirigée dans un sens, peut laisser la carrière libre à la suggestion : et qu’en d’autres termes, il peut y avoir suggestion par distraction volontaire.

Nous arrivons à la seconde partie du livre qui traite de l’automatisme partiel, c’est-à-dire de la double conscience. Nous n’aurons pas besoin de nous y attarder longuement, car les principaux faits qu’il contient ont déjà été exposés ici sous forme d’article. M. Janet commence par rappeler nos expériences et celles de M. Féré sur les mouvements intelligents qu’on peut provoquer à l’insu d’une hystérique dans ses membres insensibles. C’est par des expériences de ce genre qu’il faut en effet ouvrir l’exposition de la question. Puis l’auteur étudie les suggestions adressées au sujet pendant un état de distraction, et enfin les suggestions à exécution post-hypnotiques. Cet ensemble de faits montre qu’il existe des actes très compliqués appartenant à une seconde conscience. Le chapitre II nous conduit à l’étude des anesthésies : c’est là que l’auteur nous décrit tout au long ses curieuses expériences sur l’anesthésie systématique, dans laquelle la perception d’un objet n’est pas matériellement supprimée, car elle se retrouve dans une seconde conscience. On peut le démontrer en recourant à l’écriture automatique ou à un état de distraction. M. Pierre Janet a étudié de nouveau ces phénomènes délicats et si nouveaux avec un soin extrême.

À la suite de l’anesthésie systématique vient un excellent chapitre sur l’électivité, ou rapport magnétique des anciens auteurs, que l’auteur considère comme le même fait que l’anesthésie systématique, seulement considéré à un point de vue différent. Dans l’électivité, le sujet ne perçoit que les sensations qui ont un rapport avec le magnétiseur, et ne paraît pas percevoir les autres : par exemple il ne verra pas un des assistants. M. P. Janet n’a pas grand’peine à montrer que les sensations dont le sujet paraît n’avoir aucune conscience ne sont pas disparues et subsistent encore en lui d’une autre manière. La démonstration est excellente ; je ferai seulement remarquer, et M. Janet sera certainement de mon avis, qu’il y a autre chose dans l’électivité qu’une esthésie systématique. Quand M. Janet lève en l’air le bras d’un sujet, et que ce bras, docile aux mouvements de M. Janet, résiste violemment à ceux d’un autre observateur, l’anesthésie seule n’explique pas cette résistance.

Le chapitre IV traite de l’anesthésie naturelle des hystériques. L’auteur en étudie soigneusement le mécanisme ; il montre d’abord qu’il y a dans l’anesthésie complète de certains malades un rudiment d’anesthésie systématique ; telle malade, par exemple, qui est insensible des bras et des mains, reconnaît cependant au contact certains objets habituels de sa toilette ; sans expliquer complètement ces plaques d’insensibilité qui tatouent irrégulièrement le corps de quelques sujets, l’auteur les rapproche de ces nuances locales de la sensibilité tactile, dont j’ai essayé, il y a bien longtemps, de donner une démonstration expérimentale ; puis il fait un exposé complet et très intéressant des