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G. SEGRÉTAN. — L’ÉCONOMIQUE ET LA PHILOSOPHIE

est distincte de la morale et du droit, parce qu’elle s’occupe non de liberté, mais de nécessité, non de ce qui doit être, mais de ce qui est.

Cependant, les lois naturelles et nécessaires qui président à l’enchaînement des phénomènes une fois déterminées, l’homme peut utiliser cette connaissance, comme c’est la connaissance de leurs lois qui lui a permis d’utiliser les forces de la nature brute et de la nature vivante. Ici la morale et le droit entrent en contact avec l’économique. Dans le champ du possible, le droit inscrit le cercle du permis. Aux besoins matériels, la morale associe et parfois oppose d’autres besoins, et c’est à elle qu’il appartient de marquer en dernier ressort dans quelle mesure et dans quel ordre il est bon de pourvoir à chacun d’eux ; mais une fois cet ordre arrêté sous l’empire de quelques considérations que ce soit, c’est affaire à Fart économique, à la politique économique, à l’économique appliquée d’indiquer le procédé par lequel les besoins effectifs seront le moins incomplètement satisfaits avec les ressources naturelles dont on dispose.

Ainsi trois éléments de l’économie politique : la matière, la forme et la fm ; trois problèmes : le fait, la loi, l’emploi ; trois études : la description des phénomènes économiques, la statistique du présent et du passé, la théorie, qui permet d’assigner les causes et de prévoir les effets, l’art, qui indique les moyens d’utiliser cette connaissance pour atteindre, dans les limites de la justice, les buts proposés par la nature et par la raison.

IV

Rien de plus net, rien de plus simple que ces distinctions. Néanmoins elles sont fréquemment méconnues : on ne se borne pas à mêler les trois problèmes dans la même exposition, ce qui n’est pas toujours un mal ; une école nouvelle, sûre d’elle-même et fort accréditée, s’applique à les confondre systématiquement ; ceux qui se sont assis sur un rameau de l’arbre s’ingénient à casser le rameau voisin, quand ils ne s’attaquent pas à la branche même qui les supporte. « Une partie de la partie qui fut le tout », comme dit le génie inspirateur d’une fable peut-être surfaite, s’applique à démontrer qu’elle est le tout elle-même et que les autres parties n’existent pas. On ne veut connaître que l’histoire, et l’on prodigue le mépris aux travaux qui ont permis de comprendre quelque chose à cette histoire, le sentiment prétend balancer les comptes et l’on