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calculer de tête. Je crois qu’on peut appliquer à cette situation une formule heureuse de M. Brown-Sequard : il y a inhibition d’une cause d’inhibition.

Mais il faut bien remarquer que les mouvements automatiques ne se développent jamais mieux que lorsque le sujet se trouve dans un état de distraction spontanée sans avoir en même temps l’arrière-pensée de surveiller sa main ; on ne peut pas dire, dans ce cas, que l’action d’arrêt que la volonté pourrait exercer sur l’automatisme de la main est elle-même arrêtée, car le sujet ne pense pas à user de son pouvoir d’arrêt.

Telle est, à mon avis, la situation psychologique la plus favorable au développement de l’automatisme ; et j’observe sur moi-même que c’est surtout au moment où je suis fortement préoccupé que je me conduis comme un automate. Ainsi, un des mouvements automatiques les plus nets que je présente, et que j’observe sur moi depuis plusieurs années, consiste à sortir de la poche de mon gilet la clef de ma porte toutes les fois que je rentre chez moi ; ce mouvement machinal se produit par erreur lorsque je rends visite à un ami, et il m’est arrivé souvent de surprendre ma main qui enfonçait sans hésitation la clef dans la serrure d’une porte qui n’était pas la mienne ; l’erreur va parfois si loin que je fouille avec une clef une porte cochère. Or, je crois avoir remarqué que toutes les fois que ces mouvements automatiques se sont produits, mon esprit était rempli par une pensée qui me préoccupait.

Les quelques expériences que j’ai faites sur les mouvements automatiques m’ont démontré que cette étude, qui reste encore toute à faire, promet les résultats les plus intéressants ; mais il sera bien difficile de l’avancer tant qu’on n’aura pas trouvé le moyen d’enregistrer les mouvements automatiques par la méthode graphique ; c’est une question dont je m’occupe en ce moment.

Il est cependant un phénomène tellement évident qu’on peut s’en rendre compte sans appareil d’aucune sorte. Lorsqu’on cherche à provoquer des mouvements automatiques dans la main droite d’une personne qui, en même temps, avec la main gauche, exécute un travail méticuleux, comme de serrer un tube suivant des nombres compliqués, la main droite devient le siège d’une rigidité qui parfois va jusqu’à empêcher l’expérimentateur de lui communiquer des mouvements passifs ; et, en outre, la répétition de ces mouvements passifs, c’est-à-dire l’automatisme, diminue sensiblement. Cette modification s’explique probablement par l’influence que les mouvements d’une main exercent sur ceux de l’autre main, et il est bien probable que, nonobstant la nature propre des mouvements que