Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/16

Cette page n’a pas encore été corrigée
6
revue philosophique

à ses conseils ; bien que la production et l’emploi des biens intéressent la morale et le droit, nous séparerons nettement ces doctrines de l’Économique en raison de la différence des problèmes dont il appartient à chacune d’elles de procurer la solution, et nous les coordonnerons sous la catégorie plus générale de l’Éthique.

III

La considération des rapports entre l’économique et les autres sciences morales se lie étroitement et nous conduit de la façon la plus naturelle aux problèmes que soulèvent la structure et la place de l’économique elle-même. Celle-ci comprend une matière, des données de fait qu’il est nécessaire de posséder en quelque mesure, bien que nul n’arrive à les épuiser. Pour expliquer les phénomènes, il faut les connaître, et ces phénomènes ne se produisent pas, évidemment, sous la forme de vérités générales, mais de faits momentanés, locaux, individuels, qu’il faut rassembler pour servir de base aux généralisations. C’est matière de statistique, d’histoire, d’érudition.

Ces faits résultent de besoins communs et permanents à la satisfaction desquels il est pourvu par l’emploi de ressources naturelles qui varient selon les lieux. L’arbitraire ne joue dans cet emploi qu’un rôle secondaire. Les phénomènes économiques soutiennent entre eux des rapports nécessaires qui sont des lois de la nature[1], des lois scientifiques dans ce sens que l’office de la science proprement dite consiste à les dégager et à les mettre en lumière. Généraliser, classer, distribuer les phénomènes, les désigner par des noms exempts d’équivoque (tâche difficile, vu l’impossibilité d’écarter les termes du langage courant en parlant des choses les plus familières), montrer comment ces phénomènes procèdent les uns des autres et s’enchaînent par des rapports de causalité simple ou réciproque : telle est, grossièrement ébauchée, la tâche de l’économique pure, de la théorie, parfaitement distincte du savoir statistique qui lui fournit ses matériaux, puisqu’elle suppose la connaissance des faits dont elle observe les rapports, aussi bien qu’elle

  1. C’est pour cela qu’on a rangé quelquefois l’économique parmi les sciences de la nature, et hier encore nous penchions à cet avis. (Voir Revue chrétienne du 1er juin 1889.) L’arbitre peut tenir une certaine place dans les faits économiques, parce que l’homme agit sous l’influence de plusieurs mobiles ; il n’a rien de commun avec les lois économiques, qui expriment les modes d’action de la volonté sous l’influence d’un seul mobile, non plus que sur les effets des actes économiques, quels qu’ils soient.