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A. BINET.concurrence des états psychologiques

personne de percevoir aucune autre sensation en dehors de celle qui occupe actuellement son esprit. Le champ de la conscience se trouve alors rétréci, exactement comme le champ visuel quand le point de mire présente un intérêt particulier. (Janet.) Pour éviter, autant que cela est possible, cette erreur, il faut rechercher quel est le maximum de phénomènes psychologiques sur lesquels le sujet peut porter simultanément son attention ; ou bien, on peut prier le sujet de mener simultanément deux opérations mentales, et voir dans quelle mesure chacune est compromise par sa coexistence avec l’autre. C’est ce résultat que nos recherches graphiques permettent d’atteindre en partie ; et elles nous ont montré qu’il y a à cet égard de grandes différences d’une personne à l’autre. Les unes, par exemple, peuvent faire des additions de tête en exerçant régulièrement des pressions par série de cinq ou six ; d’autres ne peuvent pas aller au delà de deux pressions. De plus, les résultats varient d’un jour à l’autre chez un même sujet sous l’influence de la fatigue et de bien d’autres causes. La forme de l’expérience peut donc répondre, dans une certaine mesure, à la question posée, et on pourrait classer les sujets suivant le nombre des contractions en série qu’ils peuvent faire correctement dans un état de division de l’attention.

Les actions d’arrêt sont des phénomènes si complexes et si mal connus, qu’il faut se garder de généraliser les conclusions des expériences en dehors des conditions où elles ont été faites. Nous devons par conséquent rappeler que l’arrêt dont nous venons de faire l’étude, se produit dans la coexistence de deux phénomènes psychologiques également volontaires. Le sujet est prié d’exécuter simultanément deux actes ; ces deux actes ont donc une commune origine dans la volonté du sujet ; ils émanent de la même personnalité ; ils font partie de la même synthèse psychologique. Le sujet se trouve forcé de diviser son attention entre les deux phénomènes ; il est en quelque sorte leur point d’union.

II

Dans les recherches qui vont suivre, nous n’allons pas modifier la condition générale de l’expérience ; nous allons simplement nous efforcer d’obtenir deux tracés des deux opérations intellectuelles dont nous provoquons le conflit ; et pour cela, nous allons prier le sujet d’exécuter simultanément avec chaque main un travail différent. Nous résumerons ici en quelques mots ce que nous avons vu. Nous retrouvons d’abord les actions d’arrêt que nous venons d’étudier. Il est certain que si une personne exécute pour la